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Arras: «En prison dans mon appartement», trois étudiants racontent leur vie sous Covid

Ils s’appellent Alaeddin, Salah et Aboubakar. Entre galères financières et isolement, ces trois étudiants étrangers de l’université d’Artois racontent cette crise vécue loin de chez eux et leurs difficultés quotidiennes provoquées par la crise du Covid

Journaliste
Temps de lecture: 4 min

Ils avaient sûrement une autre idée de la vie étudiante à la française la première fois qu’ils ont mis le pied à l’université d’Artois. Les amphis pleins à craquer. Le silence de la bibliothèque universitaire. La formule un plat, trois périphériques au «ru». Et puis le Covid-19. Les confinements. Les couvre-feux. Les périodes d’interdiction de voyager. Les cours en distanciel dans un studio excédant rarement les 15m2. Comment les étudiants étrangers d’Arras vivent-ils cette période ? Trois d’entre eux témoignent.

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Salah Elayat, étudiant marocain.

« Ma mère est venue me rendre visite fin février. On ne pouvait pas rester à deux dans 18m2 donc elle est partie chez de la famille à Lyon en mars. Elle est restée bloquée en France jusque juillet à cause de l’interdiction de voyager. Je ne l’ai revu qu’à ce moment-là. J’ai réussi à passer deux semaines au Maroc en décembre. Le lien avec la famille, c’est obligatoire. Sans WhatsApp ou Messenger, c’est la mort. Ici, depuis que le présentiel est fini, c’est très dur. Je ne peux pas continuer les études à distance. Tu passes ta journée devant ton PC. Tu termines à 17h et il y a le couvre-feu qui débute à 18h. Tu restes chez toi H24. Je n’ai plus de travail depuis novembre. J’ai fait mes 80h de tutorat et je travaillais à la cafétéria du Crous. Elle est fermée. Cela fait cinq ans que j’étudie en France, la deuxième fois que je dois demander de l’argent à mes parents. Le samedi matin, je vais aux Restos du cœur. Je suis à la fois bénévole et bénéficiaire. »

2

Aboubakar Ibrahim Osman, étudiant soudanais.

« J’étudie le français afin d’avoir un diplôme universitaire qui me permettra d’accéder à des études supérieures. D’habitude, on est 60 étudiants. Ce matin, en distanciel, on était 16. Cela fait quatre ans que je suis ici tout seul. J’aimerais demander à être aidé par un psychologue mais on m’a dit que c’était compliqué d’avoir un rendez-vous. J’ai peur d’attraper le Covid car je suis asthmatique. J’ai des problèmes d’estomac qui font que je dois marcher après avoir mangé. Avec le couvre-feu, je ne peux pas. Alors, je marche une demi-heure dans l’appartement Je passe toutes mes journées ici dans 15m2. Je suis mes cours sur mon ordinateur et j’étudie le français. Je ne sors presque pas, il n’y a rien à faire. Quand je vais faire les courses, je passe mon temps à regarder l’heure pour faire attention au couvre-feu. J’attends que le Covid disparaisse avec impatience. Je veux plus de liberté. Parfois, je ne me sens stressé. Je suis comme en prison dans mon appartement depuis le premier confinement. Parfois, je reste dans mon canapé enfermé dans le noir. J’ai coupé Facebook et WhatsApp car je n’y ai appris que des mauvaises nouvelles pour ma famille. J’appelle ma mère assez rarement. La dernière fois, je l’ai appelé une demi-heure et cela m’a coûté 50 euros. »

3

Alaeddin Elmador, étudiant marocain.

« Je suis arrivé à Arras il y a trois ans. Je me suis investi dans une association étudiante, Civiwave. On a remarqué que beaucoup de gens restent seuls notre idée, c’est de les regrouper et de créer du lien. Avec la crise sanitaire, tout a été perturbé. On a fait des distributions de soupes car certains mangeaient mal. C’est difficile de garder ce lien. On essaie de le maintenir via Facebook ou Instagram. On répond à leurs questions et on les oriente vers des structures en mesure de les aider. Ils sont souvent mal informés et ne savent pas vers qui se tourner. Grâce à ces liens créés, j’ai réussi à trouver un stage pour valider ma deuxième année de Master Entrepreneuriat Management de projet. Mais je sais que les autres étrangers ne trouvent pas et que certains pourraient ne pas valider leur diplôme. Cet engagement au quotidien, ça me permet de ne pas m’ennuyer. »