Courtaulds : quand la machine à souvenirs s’emballe dans le Calaisis (podcast)
Nichée au pied de la rampe des Fontinettes, Courtaulds a marqué l’histoire industrielle de Calais. Il y a trente ans, elle disparaissait. Nord Littoral a tenté de la faire revivre au fil de 40 pages d’un hors-série uniquement consacré à l’usine de fibres artificielles du Pont du Leu.



▶Beaucoup de familles calaisiennes ont un de leur membre qui a travaillé chez Courtaulds.
▶ Située au Pont du Leu, cette usine de fibre artificielle a été la plus grande du Pas-de-Calais dans les années 1960.
▶ Nord Littoral lui consacre un hors-série de 40 pages à découvrir dès aujourd’hui dans vos points de ventes habituels.
N otre bonne mère Courtaulds », c’est ainsi qu’ils surnomment encore aujourd’hui l’usine. Quand ils empruntent la rampe des Fontinettes, les anciens salariés aperçoivent toujours, dans leur esprit, les trois grandes cheminées de l’usine de fibres acryliques. Les mains abîmées par l’acide. Les poumons détruits par l’amiante. Les souvenirs qu’ils ont forgés à l’usine sont encore frais et leur attachement toujours aussi fort.
De la soie artificielle aux filés
Implantée au Pont du Leu, des milliers de Calaisiens et Calaisiennes ont travaillé chez Courtaulds. L’histoire de cette usine de fibres acryliques a commencé à Calais à l’aurore du siècle dernier, en 1920. A l’époque, l’usine s’appelle la « Soie Artificielle ». Ce nom ne plaisant guère aux soyeux lyonnais, elle est rebaptisée « Les Filés de Calais ». C’est finalement en 1965, qu’elle prendra le nom de « Courtaulds S.A. ».
Sa marque de fabrique sera la Courtelle, marque déposée par l’usine, que l’on retrouve notamment en robe de chambre ou en couverture. Dans le paysage de l’industrie calaisienne des années 1960, trois usines se démarquaient : Les Pâtes à Papier, Tioxyde et Courtaulds. « Courtaulds, c’était un peu la vache à lait de Calais. Pour quelqu’un qui n’avait pas beaucoup d’instruction, il suivait une formation un mois, il obtenait un poste et il gagnait bien sa vie. C’est pourquoi beaucoup ont pleuré à la fermeture de l’usine… », relate René Plouvin, ancien salarié à la centrale. On rentrait souvent chez Courtaulds parce que son père y travaillait, ou comme renfort d’été quand les employés étaient en congés. Bernard Lefebvre est l’un d’entre eux. Entré le 2 juillet 1971 à 14 heures, il a enchaîné entretien, visite médicale, son premier poste et 20 ans de carrière en tant qu’électricien. « On vous prend à l’essai deux mois. Si tout se passe bien, vous êtes là jusqu’à la retraite. » C’est sur ces mots qu’Alain Saint-Maxin est entré chez Courtaulds pour y rester presque 15 ans. Au rythme des 30 Glorieuses, Courtaulds accentuera sa politique sociale. Les loisirs des employés s’installent alors entre les ballots de Courtelle.
L’usine qui tuait rapidement
Malgré les opportunités de carrière et les bons salaires,le travail chez Courtaulds était réputé pour être rude. Tous se souviennent de la chaleur étouffante et de l’odeur « qui prenait au nez dès qu’on empruntait les escaliers à côté des vestiaires ». Soude, disulfure de carbone, méthacrylate de méthyle et autres produits chimiques dangereux faisaient partie intégrante du quotidien des employés de Courtaulds. Au plus grand dam de leur santé, ils ont travaillé à leurs côtés durant des années, munis de protections minimes.
L’amiante qui truffait l’usine a coûté la vie de dizaines et dizaines de salariés. « Sans le savoir, on vivait dans une usine pourrie à l’amiante. Du secteur de la fibranne, je ne sais pas si beaucoup vivent encore… », lâche un ancien. Mais dans les années 2000, alors que l’usine a fermé depuis 10 ans, la justice s’en mêle. S’ouvre alors un long parcours du combattant juridique…
La grande famille Courtaulds
Même si les effectifs de l’usine dépassent les 3 000 employés à l’apogée de l’usine, Courtaulds a su garder son entente familiale. « C’était la grande famille Courtaulds », résume un ancien employé. Entrés souvent très jeunes, les ouvriers grandissaient à l’usine. « La plupart d’entre nous, on n’avait pas de diplôme. Mais les anciens avaient une manière d’apprendre aux jeunes », raconte Joël Devin.
En 1990, quand l’usine ferme, c’est une partie d’eux qui s’effondre avec les trois hautes cheminées emblématiques de l’usine. Mais cette fraternité a su perdurer à travers les années. Deux fois par an, des ex-Courtaulds se retrouvent autour d’un repas pour évoquer le bon temps. Plus récemment, Joël Lambec a créé le groupe Facebook « Courtaulds Calais souvenirs » où près de 300 anciens employés postent régulièrement photos et anecdotes de leurs années d’usine. Une manière de faire revivre la mémoire de la grande usine du Pont du Leu que vous retrouverez dans les grandes largeurs à travers ce hors-sérié dédié à l’usine.
Retrouvez dès aujourd’hui dans vos points de vente habituels le hors-série Nord Littoral consacré à Courtaulds et sur la boutique en ligne Nord Littoral