Maxam Tan : «On est abandonnés face à un problème environnemental»
Avec la création de l’association MazMax, les salariés de Maxam Tan à Mazingarbe espèrent peser face au mastodonte espagnol. Mais, pour l’instant, ils sont focalisés sur la sécurisation du site


Jérémy Cornet était chimiste pour Maxam Tan, il est maintenant vice-président de l’association des salariés de l’entreprise. Garder le lien avec les salariés et peser face au groupe espagnol est l’objectif annoncé. Pour le moment, sans nouvelles de leur employeur, les Mazingarbois tentent, malgré tout, d’assainir le site avant la liquidation totale.
Pourquoi avoir créé l’association MazMax ?
L’idée n’est pas toute récente, la concrétisation l’est beaucoup plus. L’objectif était de garder un lien social entre les salariés et anciens salariés. C’était quelque chose qui avait été évoqué à l’époque mais il n’y avait pas d’urgence. Et puis, on a rencontré Xavier Bertrand qui est venu sur site. Il a émis l’idée de créer l’association pour avoir la possibilité de nous porter partie civile suite à la saisine du préfet devant le procureur de la République. Le préfet avait déposé une requête auprès du procureur concernant la mise en danger de la population à l’encontre de Maxam Corp basée, en Espagne. Ils ont fait rentrer 1 000 tonnes d’ammoniaque avant la liquidation. Se porter partie civile nous donnera indéniablement plus de poids pour espérer une contrepartie. Il ne faut pas oublier que nous sommes encore ici par choix. Il fallait quelqu’un pour assainir le site. On a dit d’accord.
Avez-vous une idée du temps nécessaire pour assainir totalement le site ?
Pour l’instant non, on ne maîtrise pas du tout. Jeudi 25 mars a eu lieu un comité social et économique pour parler du plan de sauvegarde de l’emploi. La question a été évoquée sans réponse précise. L’avocat du groupe a été présent un petit quart d’heure par visioconférence.
Notre date connue est le 13 avril, mais nous aurons besoin d’un délai supplémentaire.
Pourquoi ?
C’est dû à une lenteur de la mise en route qui n’est pas de notre ressort. La fréquence des camions-citernes pour charger le produit a été trop faible. On avait besoin de 5 bennes par jour pour être dans les temps. On nous a simplement affrétés deux camions par jour. Une mise en route tardive et une fréquence trop faible pendant un temps portent préjudice en vue de la date limite. Maxam n’a plus du tout la gestion.
Si vous devez dépasser cette date, serez-vous payés ?
Il y a effectivement de gros doutes là-dessus. Pour l’instant, nous sommes payés par la trésorerie de l’usine, on ne reçoit rien de Maxam Corp. Elle sera vite à sec. Nous avons une marge de quelques jours après la fermeture annoncée du site.
Est-ce que le plan de sauvegarde de l’emploi a été retravaillé lors du comité social et économique de la semaine dernière ?
Non, l’avocat de Maxam Corp a été présent un quart d’heure pour dire que le PSE resterait tel quel. C’est-à-dire 360 000 euros pour diverses formations. Une indemnité transactionnelle a été proposée à hauteur de 25 000 euros brut par personne pour ne pas attaquer l’entreprise. Mais les négociations se poursuivent, on ne lâche pas l’affaire.
Comment se passent les opérations de sécurisation sur site ?
On est là depuis le début pour protéger la population, la zone et les salariés. Depuis quelque temps, on a repris la transformation de l’ammoniaque. Les premiers chargements pour vider la sphère ont eu lieu le 21 janvier 2021.
Peut-on craindre une situation similaire à celle de Beyrouth l’été dernier ?
Ce n’est plus le même problème de sécurité rencontré à Beyrouth. Là-bas, c’était du nitrate d’ammonium, on ne le fabrique plus ici. Notre parc est maintenant vide. Nous n’en avons plus dans nos stocks. Le problème de sécurité réside uniquement par rapport à la quantité d’ammoniaque présente sur le site.
Comment vont les salariés ?
C’est difficile d’être licencié à cause de stratégies financières hasardeuses. C’est difficile de vivre au quotidien. On est abandonnés face à un problème environnemental certain. Mais, on se sent investis d’une mission d’intérêt public. On tente de protéger les populations et le secteur sachant que fin avril, début mai, nous serons licenciés.
Pour rappel
L’usine est implantée à Mazingarbe depuis 1897. Longtemps la propriété de Total, le site avait été racheté par l’entreprise espagnole Maxam Corp en 2011.
À l’arrêt depuis juin 2020, l’usine avait été placée en redressement judiciaire le 26 octobre dernier. La justice avait prononcé la liquidation totale en janvier dernier. Les salariés ont accepté de sécuriser la zone, classée Seveso seuil haut, jusqu’à la fermeture, le 13 avril prochain.