Nicole, fidèle à sa maison de la rue Marquant depuis 57ans


Dans deux mois, elle fêtera ses 81 printemps. Mais Nicole Hocq a compris que, pour sa cité des Cheminots, on est entré de plain-pied dans l’automne. Et, à la place des feuilles, ce sont les maisons qui tombent. « Je vais devoir déménager, j’espère le plus tard possible, soupire-t-elle. Je ne l’ai jamais fait, ça va faire drôle, surtout à mon âge. Ma vie est ici, ça va être dur de partir. »
Alors, à sa manière, elle repousse les échéances. Une « dame de la Cud (Communauté urbaine de Dunkerque) » est passée et a laissé une carte ? Nicole a préféré ne jamais la rappeler. Elle sait pourquoi c’est. Elle sait que le départ est inévitable. Mais elle sait ce qu’elle veut : ne pas être la prochaine sur la liste.
L’une des maisons voisines s’est déjà vidée. L’autre est toujours occupée par un couple arrivé rue Marquant quelques mois avant Nicole et son mari, Gilbert. C’était en 1964. « Je suis arrivée ici pour lui. Il logeait au foyer des célibataires, se souvient-elle. On a eu cette maison ici (26, rue Marquant) et on n’a jamais déménagé. »
À l’époque, la cité des Cheminots concentre un maximum de services et d’activités. « Il y avait de tout : une coopérative, une petite poste, un économat, la consultation des nourrissons, tous les ans la ducasse..., liste Nicole. Moi, j’allais à la couture, à la ferme Marchand, c’était gratuit. Et après, je me suis acheté une machine à coudre. » C’était l’une des activités favorites de la Saint-Poloise, mère au foyer de trois enfants.
Parmi eux, Gilbert, 57 ans aujourd’hui, devenu historien de la cité des Cheminots (il a écrit plusieurs ouvrages). « C’était convivial, on faisait beaucoup de sport, on n’avait pas le temps de traîner les rues, se remémore-t-il. On aimait aussi aller à la bibliothèque, car on avait tous les livres dernier cri. Et le centre aéré durait deux mois ! Du coup, quand on partait en vacances avec les parents, on faisait la gueule. »
Une époque révolue dans un quartier sur le point de changer de visage. Mais, comme beaucoup d’habitants, Nicole trouve ça (trop) long. « Il y a plein de terrains vagues et il n’y a rien qui se construit », pointe-t-elle. Mais si cette lenteur pouvait lui permettre de demeurer quelques années encore chez elle, promis, elle ne râlera pas.