Poésie est un mot qui fait peur

Frank Smith a passé ses dix-huit premières années à Calais, mais sa proposition poétique sur le Fort Vert n’est pas un retour aux sources : «Ce sont des plages que je connais par cœur, que j’adore, mais je ne suis pas du tout dans la nostalgie. C’est un lieu qui me constitue. Même si je n’y suis pas venu depuis longtemps, c’est chez moi et j’y trouve de l’énergie (...) Je ne me mets pas en avant dans ce que je produis, je ne pars pas de moi. Même si quoi qu’on fasse, on ne peut pas s’oblitérer soi-même. On apparaît toujours quelque part, mais je fais en sorte d’apparaître le moins possible. »
« Poésie est un mot qui fait peur... Je fais des films et des livres. Je ne suis pas auteur, parce que pour moi c’est revendiquer un droit d’auteur alors que, à la limite, dans certains de mes livres, je ne suis pas l’auteur de mes phrases. C’est un travail de transformation, de montage, démontage (...) La poésie entremêle une conscience au monde appliquée au langage. On travaille la matière du langage dans un champs d’une totale liberté. Je ne dis pas que le roman, la fiction en général, ne travaillent pas la matière du langage, mais le roman est pour moi un texte-masse qui m’accable un peu. Je lis des romans, mais dans ma propre production je préfère ne pas subir le poids de l’intrigue et de la narration. Aujourd’hui tout le monde produit des images, tout le monde donne son opinion sur tout. Ma question est comment, dans l’ordre des images et des discours, pouvoir se greffer et essayer de voir les évènements à partir de multiples points de vue. C’est un travail perspectiviste. »
La poésie de Frank Smith ne devrait pas faire peur. Elle fait entendre une voix, ou celles des autres, qu'il reprend sans chercher à les rendre convenables. Dans ses textes à la fluidité exemplaire, Frank Smith sait faire de la place au silence. Un contraste bienvenu au tapage contemporain.