Le chanteur qui n’a pas abandonné
Jean-Michel Parisseaux chante sur Facebook chaque soir ce que lui demandent les internautes.


Ils sont quelques centaines à venir le voir sur Facebook, chaque soir. La famille, les amis, les fans, et les inconnus de passage. Sur internet, le bouche-à-oreille fonctionne aussi. Ceux qui l’ont vu se produire à la Guinguette de Tilques ou dans une fête de famille remarquent qu’il n’est pas costumé comme il en a l'habitude… La faute au confinement, encore lui. « Tous mes déguisements sont restés à la Guinguette ! » Alors il chante, et c’est déjà beaucoup, on frôle parfois les vidéos de deux heures de direct… En même temps, il chante aussi pour lui, quand micros et caméras sont coupés, juste pour lui : « Le confinement ça va, je ne deviens pas fou. Je m’occupe, je suis un grand fan de puzzles – là je m’attaque à un 2000 pièces – et quand je m’ennuie, et bien, je chante un peu… »
Et il chante quoi, au juste ? Il a un répertoire d’une centaine de chanteurs, un faible particulier pour Bourvil, l’un des premiers qu’il a interprétés, dès les années 1980… « Mais ma première imitation, c’était Claude François, je devais avoir 10-12 ans… Plus tard, quand je suis revenu de l’armée, j’ai chanté avec l’orchestre porte-bonheur, dans les années 1982-1985… »
On dirait le suuuud…
En 1985, il bifurque. « J’étais en vacances en Dordogne, j’ai trouvé un petit boulot… On m’a invité à «une petite répète, viens, juste pour voir les gens…» J’ai fait Ali Baba, l’orchestre Alain Michel, et au final j’ai vécu trente ans là-bas, du côté de Bergerac ! » Et puis ? Le mal du pays, un peu de culpabilité aussi : « En trente ans, j’avais dû voir mes parents trois fois… En 2015, j’ai compris qu’il était temps de revenir. » Depuis, il continue de chanter, pour des soirées et des concerts privés, et surtout à la Guinguette de Tilques, son QG. « J’y vais l’après-midi, une à deux fois par semaine, souvent le dimanche… » Jusqu’à ce que le coronavirus déboule et le prive de ses rituels. « Au début du confinement, j’ai commencé à chanter surtout pour les amis et la famille, pour leur faire plaisir. Petit à petit, il y a plus de gens qui viennent, et on m’envoie par facebook ou par sms les chansons qu’ils veulent entendre. Tous les matins, je regarde ça, je fais une liste, je les travaille pendant une heure ou deux. Et le soir, c’est parti ! »
Il parle de ses classiques : Dalida, Piaf, Mariano, Pavarotti… Il interprète aussi beaucoup Johnny, « Ça reste lui qui a le plus de fans », et dans un tout autre registre explique sa version de la différence entre l’homme et l’artiste : « Brel, par exemple, ce n’est pas facile à imiter, je n’ai pas toujours apprécié le personnage, mais j’adore ses chansons ! »
« C’est mon dada, c’est ma vie. Je suis né pour faire rire tous ces gens . »
Il n’a jamais douté de sa vocation, depuis qu’il est gamin : « C’est mon dada, c’est ma vie. Je suis né pour faire rire tous ces gens . » Alors oui, intermittent du spectacle, ce n’est pas facile, d’autant plus en ces temps de confinement : « On est payés en fonction des cachets, d’habitude je dois faire 10-12 déclarations par mois. Là, forcément j’en ai fait aucune. Mais pour l’instant ça va, je ne suis pas le plus à plaindre, j’ai le statut et les Assedic. Ceux qui n’ont pas le statut doivent être en galère… »
Après deux semaines de chants quotidiens, il s’est accordé un week-end de repos. Mais il reprend aujourd’hui, naturellement. Et quand tout sera fini, il aimerait vraiment faire un concert gracieusement, avec d’autres artistes volontaires, en soutien du personnel soignant. « J’en ai dans ma famille, je vois comme ils sont fatigués, crevés, c’est à eux qu’il faut tirer son chapeau… »