«Mettre les étiquettes politiques de côté»
Ludovic Pajot, le prochain maire de Bruay-la-Buissière, doit être installé dimanche 5 juillet. Plus que son étiquette RN, il estime que c’est une forme d’essoufflement qui a fait perdre la ville à la gauche.


udovic Pajot vient donc de gagner une deuxième bataille contre Bernard Cailliau, maire délégué de Labuissière. Trois ans après les législatives, le député de la 10 e circonscription lui souffle la mairie de Bruay-la-Buissière.
Je pense qu’il y a une volonté de changement. Je l’entendais dimanche soir à la sortie des bureaux de vote. Et j’ai ressenti pendant ces mois de campagne électorale qu’on arrive au bout d’un cycle. Il y a en face une équipe municipale qui est usée, qui ne se remet pas en question. Et il y a de nouvelles attentes de la population. Or, Bernard Cailliau incarnait l’équipe sortante. Il est au conseil municipal depuis 20 ans. C’est ce qui a été un élément déclencheur de cette alternance.
Je vais prendre plusieurs exemples. J’ai fait de la sécurité un axe de campagne important. Avec la création d’une police municipale. Parce que dans beaucoup de quartiers, les remontées des habitants font état d’une petite délinquance qui s’est multipliée ces dernières années. Pour la police nationale, ce n’est pas évident d’être partout à la fois. Donc je pense qu’il faut une police municipale pour venir en complément, comme c’est le cas dans de nombreuses villes. Parallèlement, je plaide pour accélérer le déploiement de la vidéo protection et pour un CSU, c’est-à-dire un centre de supervision urbain intercommunal.
Il y a une petite délinquance à répétition qui entraîne des nuisances pour les habitants. Le problème est la récurrence décrite dans certains quartiers.
Ces élections se sont tenues dans un contexte particulier. Après, il y a d’autres élections où l’abstention est forte. Pourtant, les élus le sont bel et bien. Ce sont les habitants qui ont le choix de se déplacer ou non. Ceux qui l’ont fait se sont exprimés. C’est la démocratie. Par contre, ce que je dis, c’est qu’il va falloir tout faire pour que certains citoyens retournent aux urnes. Parce que l’abstention est considérable. Elle ne concerne pas que les municipales. Cela fait des années qu’aux différentes échéances électorales, on voit un décrochage de la population. Il faut convaincre les gens que le politique peut intervenir.
La priorité, dès juillet, sera d’aider les commerces de proximité qui ont été impactés par la crise du Covid-19. Avec une aide directe de la part de la municipalité en passant une convention avec le Conseil régional, puisque la ville n’a pas la compétence économique, pour permettre d’intervenir en soutien aux commerçants. On va aussi essayer de mettre en place des animations pour cet été dans certains quartiers. Pas des choses qui coûtent des fortunes. Mais qui peuvent apporter beaucoup. Il y aura aussi le déploiement de la vidéo protection. On va aussi travailler sur la police municipale.
C’est quoi la priorité du maire d’une ville comme Bruay-la-Buissière ?
C’est une ville de plus de 20 000 habitants. Pour moi, la priorité est de faire rayonner la ville. Nous sommes au cœur d’un bassin de vie où il y a deux grosses villes qui sont Bruay et Béthune. Je pense que Bruay doit avoir toute sa part et gagner en attractivité pour attirer de nouveaux habitants. Cela passe par le cadre de vie, le cœur de ville, redynamiser le centre-ville, plus de propreté, plus de sécurité.
Mais pourquoi y arriveriez-vous plus que votre prédécesseur, qui lui aussi poursuivait cet objectif d’attractivité ?
Je pense qu’il y a eu un laisser-aller ces dernières années. On en paye les conséquences. Ça ne fait pas que depuis deux ans qu’on voit certains problèmes à Bruay. Tout cela a commencé il y a dix ou quinze ans.
Comment va se passer la passation de pouvoir avec Olivier Switaj ?
Je lui ai laissé un message. J’ai travaillé avec le Directeur général des services sur le conseil municipal d’installation et différentes délibérations, puisque le vote du budget primitif doit intervenir avant la fin du mois.
Vous allez voter le budget de votre adversaire politique ?
C’est souvent comme ça. On doit voter le budget. Il y aura sûrement des décisions modificatives dans les mois qui viennent. On va regarder en détail la situation de la ville. On va voir si on peut trouver des pistes d’économies dans certains domaines, sans faire la chasse aux sorcières. Mais voir si on peut dégager des marges de manœuvre. La priorité va être d’aider les commerces de proximité.
Je n’ai pas l’intention de briguer la présidence de l’Agglo. Il y a déjà beaucoup de travail en mairie. Ce que je souhaite, c’est que Bruay-la-Buissière ne soit pas mise de côté de la future gouvernance. J’y serai vigilant. Néanmoins, je suis quand même en rapport avec de nombreux maires du territoire. Quant à la présidence, il y aura plusieurs candidats. On verra ce qu’il en est. Moi, je suis dans une stratégie d’ouverture et pour mettre les étiquettes politiques de côté. Beaucoup de maires du territoire que je côtoie déjà en tant que député sont ouverts à discuter sur différents projets pour le territoire et pour Bruay-la-Buissière.
Je compte avoir des échanges avec les candidats à la présidence de l’Agglo. Mais aussi avec les autres. L’Agglo, c’est 150 conseillers communautaires. Les petites communes aussi pèsent au sein de la CABBLR. En ce qui me concerne, je ne compte pas faire de l’Agglomération une instance politique. On est là pour rassembler. Je verrai bien le candidat qui est ouvert au rassemblement et qui respecte le vote des électeurs bruaysiens. Tout simplement. Je ne demande pas au futur président de l’Agglo d’adhérer au Rassemblement national. Je lui demande juste de respecter la démocratie et les électeurs. Et que les grands projets structurants sur Bruay ne soient pas mis de côté.
Il y en a très peu. Regardez les soutiens de mon adversaire : il y a eu très peu de maires de ma circonscription. Auparavant, c’était différent. Tout le monde était contre nous. On voit une évolution. Beaucoup de maires n’ont pas pris position. Ce n’est pas leur rôle d’ailleurs, dans la mesure où ils ne sont pas élus à Bruay-la-Buissière. Et globalement, en tant que député, avec les trois quarts des maires de la circonscription, même s’ils ne sont pas du même bord politique, ça n’empêche pas qu’on peut s’appeler et avoir des relations de travail. Ça a été le cas avec la crise du Covid-19.
Vous parliez de chasse aux sorcières. Faut-il en craindre une dans le domaine socio-culturel ?
Non. Je n’ai rien contre la culture. Juste une chose. Les subventions, c’est de l’argent public. Donc un contrôle sera effectué sur les subventions aux associations. La culture est une des compétences de la Ville. Et elle a toute sa place à Bruay. On a par exemple un magnifique orchestre symphonique dont on ne parle pas beaucoup je trouve. Il y a à Bruay de belles choses à mettre en avant.
Que pensez-vous d’un scénario de défusion voulu par Labuissière ?
J’ai envoyé un SMS à Isabelle Dudilieu pour lui dire que ma porte était ouverte pour travailler avec elle, la mettre au courant de mes choix politiques. Et me concerter avec elle sur certaines orientations. Parce qu’elle sera installée maire délégué de Labuissière. Il y a eu une élection et je respecte la démocratie (NDLR : cette interview a été réalisée le 29 juin. Depuis, il semblerait qu’Isabelle Dudilieu ne se retire).
Après, je trouve qu’il serait trop facile de dire en 1987 : on fusionne parce que ça nous arrange. Et après : on défusionne parce que ce n’est pas le même bord politique. C’est prendre en otage la population. Je suis là pour travailler et je ne compte pas mettre les habitants de Labuisisère de côté.