Louvre-Lens : Et si le noir n’était qu’une illusion?
Cinquième rendez-vous de notre série consacrée à l’exposition temporaire Soleils Noirs au Louvre-Lens. Cette semaine, pleins feux sur la tentation monochrome, ou du monochrome au noir radical. Embarquement immédiat.


En peinture, le noir n’existe pas, il se construit. C’est ce que vous dira généralement un peintre ou un professeur d’arts plastiques. Sornettes, répondrez-vous, en entrant dans la section de l’exposition Soleils Noirs, intitulée La tentation monochrome et plus encore, dans celle constituant en quelque sorte son prolongement : Le noir radical.
Et pourtant. C’est bien ce que nous raconte l’Ultimate Painting nº6, composante de la dernière série de tableaux de Ad Reinhardt, produite entre 1960 et 1967.
Non seulement ce monochrome est posé sur une surface noire formant le cadre, encore plus sombre que lui. Mais qui plus est, on distingue en regardant bien, une croix presque blanche se détacher du centre. L’ensemble donne soudain l’impression d’un noir laiteux. Alors, simple le noir ? Les esprits brutaux prenant l’art contemporain en général et celui du monochrome en particulier pour des fadaises, en seront pour leurs frais. Et qu’ils ne se pensent pas fondés à ricaner face à la démarche absolue du noir radical, n’acceptant, lui, aucune variation de ton.
Cercle noir sur fond blanc
De fait, le noir total de la Croix [Noire] de Kazimir Malévitch (1915), pas plus que les Two Rectangles Floor to Ceilling (Richard Serra-1979), ne peuvent se passer d’un jeu de cache-cache avec le blanc, faire valoir par excellence des intentions picturales noires.
Ce que rappelle d’ailleurs Vassily Kandinsky avec le Cercle noir sur fond blanc (entre 1922 et 1933). À travers cette étude, Kandinsky opère une approche toute symbolique, en établissant un lien entre le noir, le cercle et le principe du silence.
Pour aller plus loin sur la Croix [Noire]
« Ce tableau est une Joconde. » Juliette Guépratte, une des trois commissaires de l’exposition Soleils Noirs reprend à son compte ce qualificatif que l’on peut voir attribué à la Croix [Noire] de Kazimir Malévitch. Celui-ci, qui a émergé au début du XX e siècle, compte parmi les précurseurs de l’abstraction dite contemporaine. Le cubisme, porté dès 1907 par des noms comme Picasso ou Braque, est une de ses influences évidentes. Il baigne dans son époque. Ainsi, sa Croix [Noire] est-elle contemporaine de La nature morte à la nappe à carreaux de Juan Gris (1915). Il faut voir derrière cette croix qui semble se bomber selon l’angle depuis lequel on la considère, bien plus que sa forme. Mais un assemblage de carrés, voire de cubes, dans une vision à trois dimensions. Ainsi, Malévitch fait-il du carré ce que d’autres feront du cercle. Il semble le voir comme une forme primordiale, une sorte de zéro absolu et créateur .
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