À 2 heures d’ici : Lewarde, sur les pas des gueules noires
Clap de fin pour notre série estivale du côté de Douai, à Lewarde. Le centre historique minier nous permet de retourner sur les pas des mineurs et de constater leurs durs labeurs


À deux heures du Touquet, ces villes et villages du Nord au paysage bien moins paradisiaque que notre chère Côte d’Opale. Valenciennes, Douai, Cambrai… et dans ce secteur, Lewarde, commune de 2 500 habitants dont l’activité touristique est bel et bien vivante, et repose sur le passé des gueules noires.
Le Nord de la France, un eldorado
Ces hommes qui, un beau jour, ont quitté leur terre natale, fusse-t-elle polonaise, italienne ou nord-africaine, pour rejoindre le Nord de la France (d’autres la Belgique) y voyant un véritable eldorado, synonyme de conditions de vie améliorées, confort inespéré. La fosse Delloye, de l’ancienne Compagnie des mines d’Aniche, a commencé son activité en 1931.
À plusieurs reprises, par des affiches et des films de propagande, les mines françaises font savoir dans plusieurs pays d’Europe qu’elles recrutent de la main-d’œuvre. Cela tombe plutôt bien car le manque de travail en Pologne, ou en Italie, et le salaire trop faible voire misérable ne permettent pas aux mineurs de s’assurer des conditions de vie décentes. Une vague d’immigration en découlera… Témoignage de cette époque, aujourd’hui de nombreuses familles ch’tis ont des noms en -ski, -ka, -ak, -a, -i, -o… et ils ont formé en leurs temps la diversité française.
Comme les mineurs à l’époque, nous faisons notre entrée par le carreau, cette parcelle de terrain où se trouvent les installations techniques de surface nécessaires pour l’extraction du minerai.
Guidés par Élodie, nous prenons la direction de la « salle des pendus ». La salle des pendus est l’autre nom du vestiaire, et il est dû au système de poulies et de chaînes permettant aux mineurs de suspendre leurs vêtements. Cette installation était plus pratique que des armoires, car les habits ainsi suspendus séchaient plus rapidement.
À la lampisterie, chacun récupérait sa lampe et un jeton. Ce jeton permettait de savoir qui était revenu ou pas en cas d’accident.
Nous n’aurons pas de marteau ni de lampe, mais prendrons la direction du bâtiment d’extraction. Là, un ascenseur est présent. Ce fameux ascenseur qui descendait 25 hommes à la fois, en quasi-chute libre : 480 mètres en une seule minute.
Et du schiste naquirent les terrils
Autrefois, aux mineurs s’ajoutaient les cafus (jeunes femmes) et galibots (garçons d’une dizaine d’années) dont l’activité consistait, avant de descendre au fond, à trier le charbon et le schiste. Ce schiste qu’on ramenait sur le terrain vague, et dont les amoncellements sont devenus la richesse patrimoniale de la région : les terrils.
La visite se poursuit. Au fil des chantiers et des galeries, l’émotion est présente, et n’ayons pas peur des mots, un sentiment de culpabilité m’envahit. Comment peut-on aujourd’hui se plaindre de certaines conditions de travail ? En regardant la reconstitution des scènes, j’imagine ces hommes trimer sous 1 mètre, 1m50, dans une position inconfortable, pendant 12 heures… Ils travaillaient pieds nus car le seul type de chaussures autorisé dans les années 30, c’était les espadrilles, qui prenaient bien vite l’eau. Alors porter des espadrilles ou rien du tout…
Et l’éclairage est lui aussi bien pauvre, puisque la seule lumière est celle de la lampe des mineurs.
Une décennie = une évolution
Mais chaque décennie est marquée par une évolution. Dans les années 20, le marteau-piqueur est mis à disposition des hommes.
En 1936, les conditions sociales changent. Les congés payés font leur entrée dans le monde du travail en France, et c’est là que les mineurs du Nord de la France vont découvrir La Napoule dans les Alpes-Maritimes, ou encore Berck, sur la Côte d’Opale.
Dans les années 40, les mines sont à l’État français, ce qui garantit la sécurité sociale, et la sécurité tout court. Les années 60, c’est la mécanique et l’électricité qui entrent en piste.
Les choses ont beau changer, les hommes sont toujours atteints par ce fichu mal qui dépose la poussière de silice sur les poumons : la silicose.
En 1990, les dernières mines ont fermé. Lewarde a ouvert le centre historique en 1984, pour que personne n’oublie jamais ces hommes : les mineurs de fond.