J’ai testé pour vous… le kayak polo à la base de Biache-Saint-Vaast
Cet été, j’ai choisi de me remettre au sport. Mais attention ! Pas à n’importe quels sports ! Uniquement des sports non olympiques et sans aucun écho médiatique


C’est à cet instant que tout a basculé. Jusqu’alors j’avais passé une petite heure très agréable avec Guillaume Caron et ses gars du club de canoë-kayak autour d’un Oasis à l’orange.
Ces messieurs avaient répondu à mes questions et m’avaient même prêté l’équipement adéquat. J’étais désormais prêt à embarquer dans le kayak quand Guillaume m’avertit : « Surtout, si le kayak se retourne et que tu te retrouves sous l’eau. Reste calme ! Enlève la jupe de protection et sors d’abord les genoux. » Cette «jupe», du néoprène empêchant l’eau d’entrer dans l’embarcation, il m’avait fallu trois minutes pour la mettre. Trois minutes, sous l’eau, c’est la mort. Il me semble avoir déjà entendu ça quelque part.
Un bateau particulier
Me voici donc sur l’eau. Le séant posé sur un kayak plus léger que celui utilisé pour les balades : 9 kg pour le modèle kayak-polo contre 17 pour le traditionnel. « Tu as déjà navigué ? » m’avaient demandé mes hôtes. Par l’affirmative, j’avais répondu, pensant que mon expérience d’ancien animateur de centres de loisirs suffirait. Avant de commencer à jouer, l’équipe m’incite à me balader sur l’aire de jeu, afin de me familiariser avec un bateau qui a peu à voir avec ceux sur lesquels j’ai déjà pagayé. C’est plutôt laborieux. « Pour se lancer dans le kayak polo, il faut au moins trois ans de pratique de kayak », m’avait averti Guillaume en préambule. Là où l’embarcation semble être une extension de mes futurs adversaires et coéquipiers, il apparaît sur moi tel un flotteur se déplaçant avec peine. Je n’aspire qu’à une chose, ne pas me retourner !
Après quelques longueurs, l’échauffement continue mais avec le ballon. Un taille 5 comme au water-polo ou au football. Comme les labradors, j’ai toujours chéri les ballons. Très moyen en navigation, je compte me rattraper balle à la main. Mais rapidement, mes premières passes et les pertes d’équilibre qui en découlent me rappellent que je suis sur un kayak de compétition et, sous le casque, la voix de Guillaume résonne à nouveau : « Surtout, si le kayak se retourne… » Prudentes au départ, mes passes deviennent plus assurées… Mais toujours le kayak arrêté, là où les Biachois rivalisent de dextérité comme des centaures mi-hommes mi-kayak.
L’échauffement prend fin. Il est primordial, me rappelle Gilles : « Notamment pour éviter les blessures. Ce sont les mêmes qu’au handball. » Luxation de l’épaule, doigts retournés… « On peut aussi se blesser aux côtes quand les kayaks vont au contact. Un peu comme au hockey. » Mais c’est bien une partie de kayak polo qui va débuter dans quelques secondes. Sous les deux buts, cinq mecs en kayak de chaque côté. Deux mi-temps de dix minutes. Un objectif : envoyer le ballon dans le but – placé en hauteur comme un panier de basket – au moins une fois de plus que son adversaire. Et ne pas se retourner, en ce qui me concerne.
Le coup d’envoi est donné et cela fait beaucoup de remous dans l’aire de jeu. Mon kayak tangue. Les leurs aussi ; mais eux, ça les amuse. Je décide d’être en recul sur les actions. Éloigné des impressionnantes scènes de bataille que se livrent les neuf autres joueurs. Un peu comme un libéro en phase offensive. Un peu comme un attaquant de fixation toujours hors jeu en phase défensive.
Aimables, mes coéquipiers m’offrent, malgré ma faible disponibilité, l’occasion de tater la sphère. Sans grande prise de risques, je m’évertue à ne pas perdre le ballon et à réaliser des passes correctes. La mi-temps est sifflée sur le score de 5-3. Pour nous !
Je décide de ne pas reprendre. Épuisé et peu profitable à un sport trop exigeant pour quelqu’un craignant de voir son kayak se retourner. Je suis toujours en vie. J’ai passé un excellent moment et je n’ai pas bu la tasse. « Pourtant, on croyait vraiment que tu allais te retourner au début », se marre Gilles. On en revient à cet instant où tout a basculé.