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Louvre-Lens: Luc Piralla met les voiles pour Abu Dhabi (Interview)

Au Louvre-Lens, l’adjoint de la directrice Marie Lavandier devient directeur scientifique de l’Agence France Museum

Journaliste
Temps de lecture: 5 min

Lui, c’était un peu la dernière recrue dans l’équipe originelle du Louvre-Lens. Arrivé en 2013, Luc Piralla-Heng Vong était l’adjoint de la directrice Marie Lavandier. Cet humaniste part vers d’autres aventures. Mais reste dans la belle galaxie Louvre. Depuis le 19 octobre, il a mis le cap sur Abu Dhabi, via Paris. À 39 ans, il devient directeur scientifique de l’Agence France Museum.

Comment avez-vous réagi à votre nomination ?

Je suis content mais pas seulement pour moi. Certes, c’est une opportunité incroyable. Mais ça a du sens. Par rapport à ce que j’ai fait ici, au Louvre-Lens. Mais aussi parce que mon futur président était l’administrateur général du Louvre. Donc on se connaît. D’une certaine manière, je reste un peu dans la famille, sachant que Jean-Luc Martinez est le président du conseil scientifique de l’Agence France Museum. Donc quelqu’un de très important dans l’architecture de projet avec Abu Dhabi et d’autres. Je suis assez fier. Pour moi. Mais aussi pour le musée. Cette nomination rejaillit sur l’ensemble. C’est un poste prestigieux, qui couronne le travail du Louvre-Lens, qui est reconnu au niveau national et international.

Concrètement, quelle sera votre mission ?

Il y a beaucoup de challenges dans cette affaire. L’Agence France Museum a été créée par la France, au moment où il a fallu appliquer l’accord intergouvernemental avec les Émirats Arabes Unis, pour créer le Louvre à Abu Dhabi. Le nom « Louvre » est autorisé pour une durée de trente ans. Et il est prévu une programmation d’expositions pour quinze ans. Ainsi que des prêts d’œuvres.

Dans ce cadre, le directeur scientifique est un peu le garant sur les enjeux de programmation d’expositions ou de prêts. Bref, c’est un peu un garant scientifique entre les musées nationaux français et les équipes scientifiques d’Abu Dhabi. C’est aussi un rôle de facilitateur d’un point de vue scientifique, technique et relationnel.

Cela signifie qu’il n’y a pas de conservateur à Abu Dhabi ?

Si. Il y a bien une équipe scientifique sur place. Mais l’accord intergouvernemental prévoit que la France est chargée de proposer et de mettre en œuvre une politique d’expositions et de prêts. Nous allons les aider à devenir de plus en plus maîtres du jeu sur la programmation, mais aussi la conception et la production des expositions. L’enjeu, c’est aussi de s’ouvrir à d’autres civilisations, à d’autres temps et à se remettre en cause soi-même en termes de valeurs. Et donc être plus tolérant. Donc pour moi, faire partie de ce projet, entre en résonnance avec la manière dont j’ai toujours considéré mes missions et le métier. Et fondamentalement, chez les Émiriens, le projet du Louvre Abu Dhabi, c’est cela aussi. N’oublions pas qu’Abu Dhabi fait le choix pour son avenir, de travailler sur le tourisme et sur la culture.

Que garderez-vous de vos années au Louvre-Lens ?

Des choses que je dois beaucoup au projet et au fait de travailler avec Marie Lavandier. Dans nos métiers, où on travaille avec de superbes œuvres dans des bâtiments prestigieux, avec des grandes institutions et de grands noms, ce qui compte vraiment à la fin, ce sont les gens avec qui on travaille, c’est le territoire. Donc c’est cela que j’emporte avec moi, au-delà du savoir-faire.

« On peut faire de très bons projets avec n’importe quel sujet. Même avec la culture populaire. »

Luc Piralla-Heng Vong

Avec le recul, que diriez-vous de l’exposition RC Louvre dont vous êtes à l’origine ?

Ça reste un projet marquant. C’était très travaillé. Il y avait beaucoup de sens. C’était riche d’un point de vue muséal.

Ce sont les vieux débats sur les questions de légitimité, de haute culture, de basse culture. Je n’en ai rien à faire. Je pars du principe qu’on peut faire de très bons projets avec n’importe quel sujet. Même avec la culture populaire. On peut faire de très bonnes choses tant qu’on apporte quelque chose aux gens, tant qu’il y a une plus-value culturelle. C’est-à-dire qu’on peut réussir avec un sujet soi-disant populaire et rater son coup avec un sujet de culture classique. Donc ce débat n’a aucun sens.

Ce que je vois, c’est que les gens étaient plutôt contents. C’était un sujet qui touchait au cœur du territoire. Si on n’avait pas été justes dans notre démarche, on l’aurait entendu. Ça a quand même été pour les gens une façon de faire partie de ce musée. Donc non. Je n’ai pas été blessé de quoi que ce soit, parce que ça ne m’intéresse pas. Je l’aurais été si, ceux pour qui j’avais travaillé, avaient rejeté cette exposition.

Cela paraîtra peut-être bizarre, mais justement c’est RC Louvre. Le concept était tellement innovant à plein d’égards, que ça ne peut que rester un souvenir incroyable. Après, tous les projets ont eu des spécificités. Homère reste un très bon souvenir. J’ai beaucoup aimé l’exposition sur la Pologne et son histoire hors musée. Il y a eu Le Nain aussi. Faire le commissariat sur une telle exposition, un truc qui a lieu tous les quarante ans, vous vous rendez compte ?! C’est énorme. Et puis finir sur Soleils Noirs, c’est particulier, parce que je suis une espèce de passager clandestin sur ce projet. Et les conditions d’expo ont été tellement particulières avec le confinement…

Ça reste quelque chose de particulier je le répète. C’est un vieux dossier, je peux dire comment c’est né. Bollaert a été rénové (NDLR : pour l’Euro 2016). La Région nous dit : il faudrait faire quelque chose pour rapprocher les supporters de Bollaert et le musée. Donc je cherche ce qu’on peut faire. Mon idée au départ n’était pas de faire une exposition, mais plutôt une collecte de mémoire. En me disant que ça avait du sens, que ça pouvait intéresser les gens. Qu’on pouvait faire quelque chose qui irait ensuite au musée national du sport. Lorsque je présente cela, Jean-Luc Martinez me dit : super projet. Faites-moi une exposition dans le Pavillon de verre. Je n’étais pas très content. Ça voulait dire commencer la collecte non pas en 2016, mais un an avant ! Et c’est comme ça que fil en aiguille, ça s’est fait. Avec un don au musée national du sport. C’était symboliquement hyper fort.