Comment Clémence Clarisse a marqué les esprits au XIXe siècle ?
Quand on pénètre dans le restaurant La Matelote à Boulogne, on y voit le portrait d’une femme à barbe qui était une figure locale célèbre du XIXe siècle dans le Boulonnais. Mais quel était son lien avec le restaurateur ?


Clémence Henriette Clarissenote est née le 15 mars 1839 à Festubert dans le Nord-Pas-de-Calais et elle est morte le 14 février 1919 à Boulogne-sur-Mer et elle était fort célèbre en son temps.
Pendant un demi-siècle, la dame a parcouru tous les champs de foire de la région pour y vendre des confiseries et son fameux pain d’épices maison.
C'est à partir de 1854, au cours de sa 16e année, que Clémence a concocté son pain d'épices et sa couque de Dinant «surfine» qui lui valurent par la suite une solide réputation.
Elle écoulait elle-même ses gourmandises faites maison, sur les champs de foire et les marchés environnants qu'elle rejoignait avec sa roulotte. Chacun a pu la recontrer au cours de ses escales à Dunkerque, Calais, Saint-Omer, Béthune, Roubaix, Saint-Armand, Boulogne, Lille, Valenciennes, Condé, Montreuil, Hesdin...
Une femme particulière
Mais la réputation seule de ses gâteaux ne faisait pas tout. Clémence avait une autre particularité qu’elle a su transformer en atout... Clémence était une femme à barbe.
« C'est vers l'âge de dix-huit ans qu'elle vit apparaître d'indiscrets poils follets auxquels elle faisait une guerre acharnée. Bientôt, ils envahirent la lèvre supérieure et le menton. Pendant quarante ans, elle combattit ces signes visibles d'une fausse virilité, rasant, émondant, épilant. Tous ses efforts demeurèrent inutiles. Enfin, il y a quelques années, elle s'avoua vaincue.
Depuis, son visage est orné d'une belle barbe et elle regrette vivement n'avoir pas pris plus tôt cette décision. Elle est obligée de reconnaître que la liberté laissée à la barbe a été le point de départ d'une excellente santé dont elle n'a cessé d'être douée depuis ce moment.
Cette correspondance de la santé avec le port de la barbe a été fréquemment signalée chez les femmes à barbe. Quand elles tourmentent leur système pileux, elles éprouvent des malaises divers et des troubles nerveux qui ne cessent que lorsqu'elles se décident à le laisser croître librement. Sa mère et sa sœur étaient également agrémentées d'un système pileux assez développé. »
Docteur Edgar Bérillon, Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, 1906
Le 22 janvier 1862, Clémence a épousé Pierre-Joseph Lestienne (comme quoi, la barbe n’était pas un handicap !). Deux fils sont nés de cette union et de fait, Tony Lestienne, chef (anciennement étoilé) de la Matelote est le descendant direct de Clémence, d’où le portrait qui trône majestueusement dans l’entrée de son restaurant.
« Ses goûts sont toujours portés aux travaux de son sexe. Elle a toujours fait preuve d'une coquetterie de bon aloi, réunissant en elle toutes les qualités de la femme et de la mère de famille », conclut le docteur Bérillon.
À Boulogne-sur-Mer, elle se tenait l’hiver en face de la chapelle des Annonciades, sur la place du Palais de Justice (l’actuelle place de la Résistance). L’été, on la trouvait sur la foire, à l’extrémité de l’esplanade, devant la tour Notre-Dame, à l’angle du boulevard Mariette.
Sa baraque appelée «Le Paradis des enfants» était la plus longue de la foire. C’est précisément dans cette roulotte qu’elle décéda, le 14 février 1919. L’enseigne fut reprise par son fils, puis transférée au 17, rue de Lille, où l’on y vendait également des jouets. «La Femme à barbe» a été inhumée dans le cimetière Est, où sa tombe est toujours visible.