Connaissez-vous la légende ancienne de Marie Grouette, sorcière des marais Audomarois ?


Une créature étrange qui serait un mélange, mi-femme, mi-crapaud. Elle tire au fond de l’eau à l’aide de son groët tous les petits enfants un peu trop turbulents et qui, de l’eau trop près, osent s’aventurer. » Voici une partie d’un poème que Claudie Becques, auteure jeunesse de l’Audomarois, a écrit il y a plusieurs années. Un poème sur Marie Grouette, une légende régionale, mais aussi locale. La connaissez-vous ?
Dans les traditions populaires, les marais, les lacs, sont perçus comme dangereux, hantés par des créatures maléfiques. Marie Grouette (ou Marie Groët/Marie Grauette) est, selon la légende, une sorcière qui hante les eaux du Nord-Pas-de-Calais et entraîne dans le fond des marécages, des fleuves, grâce à son outil de maraîcher qu’on appelle le groët – une fourche à quatre crocs recourbés – les enfants turbulents et désobéissants qui se baladeraient au bord de l’eau ou qui se pencheraient un peu trop pour en voir le fond.
Les marais audomarois sont ses lieux de prédilection. Cette légende permet de dissuader les enfants de s’en approcher. La sorcière, redoutée depuis le XIe siècle, se trouverait autour de la rivière de l’Aa, du marais et du canal de Neufossé. Ses mains ressembleraient à des « groët ».
Comment est née Marie Grouette ?
Mais comment la légende est-elle née ? Direction le Romelaëre, à Clairmarais. Sur une pancarte, il est expliqué qu’avant, les jeunes femmes allaient laver leur linge aux points d’eau. En se penchant, l’eau faisait des remous, déformant ainsi leur reflet. Elles pensaient ainsi voir une sorcière et repartaient en courant. Voilà la naissance de la légende.
D’autres disent que Marie Grouette tire son origine d’une pauvre femme considérée comme sorcière et dont les villageois avaient brûlé la maison en son absence, mais avec ses enfants à l’intérieur. Depuis, la légende dit qu’elle cherche à attraper les enfants pour remplacer les siens. Mais aujourd’hui, comment raconte-t-on la naissance de Marie Grouette aux enfants ?
Dans le premier livre que Claudie Becques a sorti, en 2011, tout commence par une princesse, fille d’un roi et d’une reine qui habitaient dans le marais. Cette princesse était hautaine. Obligée de se marier, elle se moquait de tous ses prétendants. Parmi eux, un dont elle disait qu’il avait les yeux globuleux, comme un crapaud. Il ne s’est pas laissé faire et lui dit qu’elle allait le regretter. Enfermé par le roi dans les geôles du château, il s’est transformé en crapaud, s’est enfui par les meurtrières et a plongé dans les douves. La princesse, elle, aimait aller se balader dans le marais et attraper, avec un grouet, les lys sauvages pour en faire des bouquets. Puis, un jour, elle est tombée dans l’eau. Le crapaud était là sur la berge et la regardait se noyer.
Marie-Grouette protège
Cette légende qui empêche les enfants turbulents de s’approcher de l’eau les protège, en effraie certains aussi, mais pour leur bien. Une ambivalence retrouvée aussi dans sa forme physique. « Marie Grouette n’est pas moche tout le temps, précise Claudie Becques. Elle est, en principe, avant tout, la reine du marais. » Dans l’une des histoires de son premier livre, elle raconte ainsi qu’elle était une petite fille ordinaire qui se promenait avec ses parents. « Elle a couru en avant et est tombée dans l’eau. Je me suis dit qu’elle avait certainement été sauvée par des elfes, qui l’ont élue reine du marais. Elle aurait une autre apparence différente quand il n’y a pas d’enfants à effrayer. »
Aujourd’hui, Marie Grouette est bien présente physiquement dans l’Audomarois. Chaque année, elle a le droit à son char lors du cortège nautique, à Saint-Omer. La Maison du Marais a, elle aussi, sa Marie Grouette. Et puis, du côté d’Arques, à chaque heure, un automate à son effigie sort pendant quelques minutes, veillant, à plusieurs mètres de haut, à ce qu’aucun enfant ne se risque à s’approcher du marais !