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VIDEO. Avec « À retardement », Franck Thilliez nous plonge dans une psychiatrie qui fascine autant qu’elle effraie

Dans « À retardement », le nouveau polar de Franck Thilliez qui paraîtra le 2 mai, l’auteur plonge Franck Sharko au cœur d’une affaire où psychiatrie et crime s’entrelacent. Un thriller haletant inspiré d’une immersion inédite en unité pour malades difficiles.
Journaliste
Temps de lecture: 3 min

C’est un rendez-vous que les fans de Franck Thilliez attendent avec impatience. Chaque mois de mai sort un nouveau polar de l’écrivain à succès du Nord-Pas-de-Calais. Le prochain, À retardement, suit à nouveau les aventures de Franck Sharko. L’auteur nous en dit plus.

Parlez-nous de votre nouveau roman, À retardement, qui sort le 2 mai prochain.

C’est une nouvelle enquête de Franck Sharko et de la brigade criminelle. Le sujet traite autour de la psychiatrie. D’un côté, on va avoir une enquête qui va démarrer sur un meurtre assez violent du côté de la Seine-Saint-Denis. Sharko et son équipe vont découvrir un homme qui s’est fait tuer de multiples coups de tournevis. Et ce qui est très surprenant, c’est qu’en menant leurs investigations, ils se rendent compte qu’il n’y a aucune empreinte dans la maison, aucune trace d’ADN, pas même celle du propriétaire !

De l’autre côté, on a un personnage, Éléonore, qui est psychiatre dans une unité pour malades difficiles, ce qu’on appelle les UMD. Ce sont des lieux qui accueillent le gratin de la psychiatrie, des gens qui ne peuvent pas être accueillis dans les structures classiques. Là-bas, ce sont vraiment les personnes les plus violentes, les plus instables, en proie aux maladies les plus psychiques, les plus effroyables.

Éléonore va donc accueillir un patient qui est complètement délirant et qui prétend fuir des verres. Donc il est mis en isolement tout de suite, mais elle va comprendre qu’il s’est peut-être passé quelque chose de plus grave qu’une fuite.

En fait, il va y avoir un lien qui va se créer car Éléonore va être appelée par Sharko parce qu’elle est la fille de la victime ! Est-ce que c’est un hasard ? Est-ce que c’est quelque chose de provoqué ? On va le découvrir en continuant à lire l’histoire.

Pour coller avec la réalité de la psychiatrie, vous avez même réussi à pénétrer dans l’une des UMD de France. Racontez-nous !

Oui, c’est un coup de chance ! En discutant avec un psychiatre, je lui dis que j’aimerais bien aller dans une UMD. Ce sont des lieux très fermés, il n’y en a que 11 en France. Donc, on imagine bien qu’on ne rentre pas là-dedans facilement. Il y a quand même des gens qui ont commis des meurtres. C’est un milieu très fermé. Et ce psychiatre me dit qu’il connaît un directeur d’UMD et il nous a mis en contact ! J’ai eu l’occasion d’aller passer quelques jours à l’UMD du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen. C’est un établissement où il y a 40 patients, 2 x 20 chambres, qui se situe au fond d’un grand centre hospitalier psychiatrique.

Ça m’a permis de poser tout un tas de questions sur la psychiatrie, sur les patients, sur ce qu’était une UMD, la maladie mentale, ce qu’il se passe quand quelqu’un arrive comme ça, complètement délirant. Et c’était vraiment fascinant ! J’ai été fasciné par ce milieu. Et c’est ce que j’essaie de retranscrire dans le roman, par ce personnage de psychiatre qui, elle, y travaille, qui va accueillir ce patient et qui va aussi mener une enquête sur son propre passé.

Qu’avez-vous ressenti quand vous étiez là-bas ?

J’avais beaucoup d’appréhension à aller là-bas parce que j’avais une image de violence extrême, d’enfermement, de cris complètement délirants. Surtout qu’il y avait une contrepartie : je pouvais y aller, mais il fallait que je fasse des petits ateliers d’écriture aux patients.

Et puis mon regard a changé quand je suis arrivé dans l’UMD. C’est un lieu extrêmement calme, c’est ce qui m’a vraiment le plus surpris. J’avais aussi l’impression que les gens passaient leur vie enfermés dans leur chambre, cloisonnés, un peu comme dans une prison. Ce n’est pas du tout le cas, ils n’y vont que pour dormir. En journée, ils ont tout un tas d’activités, ils ne sont pas abandonnés à leur sort. Évidemment, ils sont soignés par des traitements parce qu’il y a la violence qui est là, il y a la maladie. Mais toute la journée, ils font de l’ergothérapie, des ateliers de fabrication, de peinture, ils voient des psychologues, des assistantes sociales, tout un personnel qui s’occupe d’eux en permanence.

Et les ateliers se sont très bien passés. Ce qui m’intéressait aussi, c’était de pouvoir échanger avec les patients, de savoir s’ils avaient conscience de leur maladie, s’ils entendaient des voix, comment ils se sentaient dans cet endroit, quels étaient leurs espoirs. Ça m’a permis de créer de la matière pour être au plus proche de la réalité dans le roman. De faire comprendre que ces personnes n’ont pas demandé à être malades. Ce n’est pas quelque chose qu’on contrôle et ils en souffrent énormément. Parce que c’est double peine pour eux : ils sont à la fois cloisonnés dans cet UMD, mais il y a aussi la prison « chimique », le traitement. Par ailleurs, en prison, on a une date de sortie. Eux ne la savent pas, ils n’ont pas de perspective claire sur leur avenir.

La folie, la psychiatrie… Étaient-ce des thèmes que vous vouliez aborder depuis longtemps ?

Oui, ça fait très longtemps. Ce sont des sujets qui m’intéressent. On retrouve toujours un peu de psychiatrie dans mes romans. C’est aussi un sujet qui est d’actualité et qui fascine toujours. On la comprend un peu mieux aujourd’hui, mais elle est toujours là. Je m’intéresse évidemment au passage à l’acte. Ce sont des gens qui, d’un seul coup, vont commettre un crime ou vont complètement dériver. La maladie psychique, on est en plein dans l’humain et c’est ce que j’aime, comprendre ce qui se passe dans le cerveau qui déclenche un peu, justement, cette folie.

Et aussi, ce qui était vraiment intéressant dans le livre, c’est le rapport à la responsabilité et à l’irresponsabilité. Il y a des faits divers absolument terrifiants, où des gens commettent des actes horribles. Certains disent : « J’ai entendu des voix, ce n’est pas moi, on m’a dit de faire ça. » Et là, intervient la notion de responsabilité et d’irresponsabilité, c’est-à-dire de juger cette personne, de se dire « Est-ce qu’elle était responsable de ses actes ? Est-ce qu’elle avait pleine conscience au moment où elle passait à l’acte ? » Si c’est oui, c’est la prison. Mais si on estime qu’au moment de commettre l’acte, il y avait ce qu’on appelle « abolition du discernement », autrement dit que la personne n’avait pas conscience de la gravité de ses actes, c’est la psychiatrie. Et souvent, comme il y a eu meurtre ou des actes extrêmement violents, c’est l’UMD. Ça ne veut pas dire que la personne n’est pas responsable de l’acte parce qu’elle l’a commis, mais il y a une notion d’irresponsabilité psychique qui fait qu’elle ne peut pas aller en prison et avoir un procès. Ce sont des éléments assez complexes, mais intéressants !

« À retardement » sortira le 2 mai prochain, aux Éditions Fleuve.
« À retardement » sortira le 2 mai prochain, aux Éditions Fleuve. - Illustration : Facebook Fleuve Editions / Alysson Pe

Votre titre, À retardement, fait-il référence à une bombe qui explose, une sorte de métaphore de la maladie mentale ?

Avec ce titre, les gens pensent tout de suite aux bombes, aux attentats. Mais non. C’est justement la maladie psychique qui est en train de germer. D’ailleurs, c’est souvent un peu la réalité, par exemple, de la schizophrénie. J’en parle beaucoup dans le roman. J’essaie d’expliquer ce qu’est la schizophrénie, parce que c’est une maladie dont tout le monde entend parler. C’est une maladie qui fait peur. Rien que le mot effraie. Pourtant, les schizophrènes ne sont pas violents. Et souvent, ces maladies sont des bombes à retardement, qui se manifestent assez jeunes, vers 15-16 ans. Mais les parents ne le voient pas, le jeune se renferme… Et à un moment donné, la maladie explose. C’est la phase vraiment de délire, où il entend des voix, a des visions, va avoir des comportements agressifs sur lui-même. La maladie mentale, à un moment donné, quand elle émerge, il est souvent trop tard.

Quand se déroule l’histoire ?

Elle se déroule un an après la Faille. Mais on peut le lire de manière totalement indépendante des autres livres de Sharko, comme toujours. Dans À retardement, l’histoire démarre au début et se termine à la fin. Après, les personnages ont déjà eu d’autres enquêtes dans d’autres livres, une existence, des difficultés dans leur parcours. Je fais des références au passé, mais très peu, car je pense toujours aux nouveaux lecteurs, pour qu’ils ne soient pas perdus. Ensuite, ils pourront commencer par le début s’ils ont envie de découvrir l’univers de Sharko.

Selon vous, pourquoi certaines personnes adorent le polar et d’autres le détestent ?

Le polar, c’est quand même le genre qui se vend le plus, donc qui plaît beaucoup aux lecteurs. Ceux qui n’aiment pas, c’est parce qu’ils n’en ont jamais lu, je pense, et qu’ils ont une image négative du genre. Ils se disent que c’est une sous-littérature, donc préfèrent rester dans ce qu’ils lisent et ne pas sortir de leur zone. Mais il y a ceux aussi qui n’aiment pas la violence, qui ont peur, qui n’aiment pas les descriptions trop sanguinolentes. Ça leur fait vraiment peur. Donc, ça se comprend.

Ceux qui aiment, ils adorent se faire peur, ressentir le frisson, être embarqués dans l’histoire. C’est quand même le genre où on peut avaler des pavés de 500 pages sans les voir passer. On est scotché à sa lecture. C’est des histoires que les gens adorent lire, qui les ramènent aussi quelque part à des faits divers. Il y a toujours un peu cette notion de voyeurisme, c’est-à-dire qu’on aime bien aller voir ce qui se passe dans la tête des gens, au milieu des familles, d’essayer de comprendre toute cette mécanique un peu meurtrière qui fait que des gens qui nous ressemblent se mettent d’un seul coup à dériver. Puis, nous les auteurs, on essaie d’apporter une dimension un peu sociétale, de traiter un sujet d’actualité qui va intéresser les gens en plus de leur lecture, qui va les renseigner.

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