À Souchez, un spectacle conté fait revivre la voix des Poilus et offre un autre regard sur la Grande Guerre


Ce samedi 15 mars, à l’occasion de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, qui célèbre sa 30ᵉ édition sous le thème : « Prenez la parole ! », trois activités sont proposées au Mémorial 14-18 Notre-Dame-de-Lorette, dont le spectacle de la compagnie théâtrale Argilis « De boue, les hommes ». Paul de Launoy, comédien qui a écrit les textes, nous en dit plus sur l’histoire du personnage Auguste Sapinaud, un soldat mobilisé lors de la Première Guerre mondiale.
Parlez-nous de ce spectacle.
Ce samedi 15 mars, il s’agira d’une adaptation contée du spectacle « De boue, les hommes », titre d’une pièce de théâtre que j’ai écrite en 2018 à la demande de la ville des Herbiers, en Vendée, qui souhaitait créer un spectacle pour fêter le centenaire de l’armistice. Notre souhait était de raconter le quotidien des hommes, lors du conflit de 14-18, dans ce qu’ils ont vécu dans les tranchées. Des hommes de toute classe sociale confondue, de tout horizon, de tout âge, de tout style. C’était aussi raconter la relation entre les hommes du rang et leurs officiers, de raconter vraiment, depuis la mobilisation générale jusqu’à l’armistice, tout ce que ces hommes ont pu vivre et comment ils l’ont vécu.
Qui est le personnage principal de cette version contée ?
Le personnage principal est un jeune agriculteur, Auguste Sapinaud, qui vient d’un petit village en Vendée. Lui, il va traverser toute la guerre en rencontrant tout un tas d’autres personnages. Cette version contée met donc en lumière Auguste Sapinaud, qui revient au village et qui va raconter ce qu’il a vécu là-bas. Il est avec sa valise, sa casquette et il va endosser à nouveau son uniforme qu’il a dans sa valise, avec tout un tas d’objets. Et comme c’est un conte, c’est vraiment Sapinaud qui vient raconter sa vie avec ses mots, en revivant ce qu’il a pu vivre là-bas, en remettant de la vie à des événements passés qui sont parfois douloureux, parfois comiques… Car il est parti en étant très jeune et en laissant ses parents à la ferme et son amoureuse. Cette fille, qui n’était même pas encore sa fiancée, va lui envoyer une photo d’elle pendant la guerre et va lui promettre qu’elle l’attendra. Et effectivement, elle l’aura attendue puisque, quand il va rentrer, ils vont se marier. Cette Marie va être son point d’amarrage, son point d’ancrage, ce qui va lui permettre d’aller outre ses difficultés, d’aller au-delà de la mort, de cet univers affreux, ce huis clos dans les tranchées. Ça, cumulé à la présence du caporal Brunaud qui va mettre de l’humour, de la légèreté et qui va lui permettre aussi de prendre du recul par rapport à tout ce qu’il vit de plus sombre dans les tranchées.
Vous dites qu’Auguste Sapinaud raconte la guerre avec « ses mots » : ce spectacle tire-t-il son origine dans de vraies lettres de Poilus ?
Pour l’histoire, dans la famille de ma femme, il y a plusieurs lettres qui se transmettent au fil des générations pour honorer la mémoire d’un capitaine qui est mort sur le front. La famille se les transmet et les lit de temps en temps, ensemble. Je suis donc parti d’une de ces lettres en essayant de me demander dans quelles circonstances ce capitaine avait pu écrire cette lettre, en imaginant que c’était la dernière lettre qu’il écrivait à ses enfants et à sa femme… Et tout doucement est né le personnage de Sapinaud qui assiste au dernier moment de ce capitaine et qui va faire le lien avec la suite de la guerre en rencontrant un autre capitaine, qui sera surtout son transmetteur, son aide de camp. J’ai donc réarrangé, coupé, collé, réadapté et créé en quelque sorte des lettres authentiques. On a aussi essayé de retranscrire dans le texte une façon de parler, notamment liée à l’époque, mais aussi finalement à ce monde d’hommes, quand les hommes se retrouvent entre eux, sans les femmes, dans un monde très hostile, très difficile, très éprouvant. C’est un langage beaucoup plus cru, beaucoup plus viril, brutal.
C’est important pour vous, le devoir de mémoire ?
Oui car j’ai des ancêtres qui sont partis pour défendre la France, pour défendre la liberté mais, dans ma famille, on n’a pas eu vraiment de transmission là-dessus. Alors que dans ma belle-famille, c’est quelque chose qui est très fort. C’est grâce à ça que j’ai finalement creusé ce qui s’était passé du côté de mes ancêtres. C’est là que j’ai trouvé cette transmission, ce devoir de mémoire, ce sens de l’honneur qu’on doit à nos ancêtres, à nos aïeux.
Comment va se dérouler cette adaptation contée au Mémorial 14-18 Notre-Dame-de-Lorette ?
Je jouerai Sapinaud, tout seul avec sa valise, qui va raconter aux gens, dans le musée, ce qui lui arrive, durant 35-40 minutes. Et les gens vont me suivre, on va changer de place, déambuler. Et comme il s’agit de spectacle vivant, je m’adapterai à ce qui va se passer, parce qu’il y a peut-être des gens du public qui vont intervenir, qui vont interagir avec moi. Et, à la fin, je proposerai aux gens de me poser des questions, s’ils le souhaitent.