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« Clair Obscur : Expédition 33 » : le Marckois Alexandre De Mester signe l’ambiance sonore du jeu vidéo phénomène

Avec plus de deux millions d’exemplaires vendus et des éloges à n’en plus finir, Clair Obscur : Expédition 33 bouleverse le monde du jeu vidéo. Derrière cette pépite française, un talent venu de Marck : Alexandre De Mester, un des sound designer du jeu.
Par Propos recueillis par Gwendoline Plée
Temps de lecture: 5 min

Les éloges n’arrêtent pas de pleuvoir, partout, sur les réseaux, dans les avis Google, sur les plateformes… « Disons-le de suite, pour moi, il s’agit du meilleur RPG tour par tour qui existe ! […] Et dire que ce jeu est français, mais quelle fierté ! », peut-on, par exemple, lire sur Google. Ou « Clair Obscur est pour moi une œuvre magistrale à la direction artistique exceptionnelle et très assumée, avec un univers unique, très onirique, emprunt de nostalgie, de poésie et d’espoir ». Ou encore « Clair Obscur : Expédition 33 est une claque monumentale. […] Ce n’est pas juste un bon jeu, c’est une œuvre ».

Vous l’aurez compris, Clair Obscur : Expédition 33 est l’un des jeux – si ce n’est LE jeu – les mieux notés de l’histoire. En dix jours, il a dépassé les deux millions de jeux vendus. Emmanuel Macron, notre président de la République, a même salué cette prouesse sur Instagram, la semaine dernière : « Et oui, c’est Français ! Bravo à Sandfall Interactive et à tous les créateurs d’Expedition 33. Vous faites rayonner l’audace et la créativité à la française. » É-NOR-ME.

Et savez-vous qu’au-delà d’être une fierté française, ce succès est aussi une petite fierté calaisienne ? Alexandre De Mester, 25 ans, Marckois d’origine, qui habite aujourd’hui à Montpellier, a travaillé sur ce jeu en tant que Sound Designer. Entretien.

Racontez-nous : comment êtes-vous rentré dans ce projet ?

Après des études à Lille, j’ai déménagé à Montpellier pour entreprendre une formation du métier du son dans le jeu vidéo. J’ai ensuite passé mon stage dans une boîte qui bossait sur le projet d’Expédition 33, en tant que prestataire. J’ai fait ça pendant six mois et, à la fin de ce stage-là, j’ai directement travaillé pour Sandfall Interactive, en prestataire direct. Je suis arrivé sur le projet en août 2023. J’ai créé des sons pour le jeu vidéo, pour qu’ils puissent réagir en fonction des actions du joueur.

Quelles sortes de sons ? Quel a été votre rôle, précisément ?

J’ai fait plusieurs choses. La grosse partie a été de faire les ambiances. Il y avait pas mal de travail parce qu’il y a beaucoup d’environnements différents. Je me suis occupé un petit peu des monstres, des ennemis. J’ai fait aussi un peu de systèmes interactifs qui sont liés aux personnages principaux. Ce sont les systèmes de respiration dans le sens où, plus tu cours longtemps, plus techniquement, ton rythme cardiaque augmente. Donc, je pilote mes sons en fonction de ça. Je me suis aussi occupé des GPE, des Gameplay Elements : les interactions avec des objets qui permettent de te déplacer. Le but, c’était de rendre le plus réel possible, mais surtout, le plus important, c’était de respecter la direction artistique du projet. Donc, c’était à la fois une contrainte et un exercice super intéressant parce que techniquement, pour retranscrire quelque chose en son, on peut le faire de plein de manières. Mais ici, il fallait taper dans le mille et que ce soit fidèle à ce que le joueur voit à l’écran.

Comment générez-vous les sons ?

À 95 %, c’est via des ordinateurs. On utilise des banques de sons qui sont commercialisées et ensuite, on retravaille ces sons qui sont déjà pré-enregistrés avec des logiciels pour en faire quelque chose d’autre. Il y a vraiment moyen de complètement transformer des sons. Et pour certains monstres, nous avons enregistré à la voix pour, ensuite, les retravailler encore une fois avec les logiciels.

Dès 2023, aviez-vous déjà décelé le fort potentiel de ce jeu ?

Oui, directement. Je me suis dit qu’il y avait un potentiel énorme parce que c’est une direction artistique qui est assez unique, qui n’est pas trop vue encore en termes de gameplay pur. Ils ont remis au goût du jour une formule qui était vieillissante, ils ont réussi à la moderniser. Je savais que ça allait marcher et que ça allait rencontrer son public. Mais pas à ce point (rires) !

En effet, le jeu a obtenu de très bonnes notes sur Metacritic (site qui collecte les notes attribuées aux jeux vidéo et autres, NDLR) !

Pour la presse, on a eu 92 sur 100, donc la note de 9,2/10. C’est un sacré score pour un jeu qui, je le rappelle, a été créé avec seulement une trentaine de personnes. C’est aussi le premier jeu du studio ! Je m’attendais à un 84 ou 85, qui est déjà une excellente note. Mais faire plus de 90, c’est un truc de fou ! Des anciens d’Ubisoft étaient en larmes et ne pensaient pas pouvoir bosser un jour sur un jeu qui allait faire 90 +. Et puis moi, je débarque, et c’est mon premier jeu… Ce qui est encore plus fou, c’est que du côté joueur, on a obtenu 9,7/10. C’est la meilleure note de tous les temps sur le site ! Puis, on a dépassé les 2 millions de copies vendues, sans compter les gens qui jouent sur le Game Pass, c’est irréel…

Selon vous, qu’est-ce qui fait le succès du jeu ?

C’est un vent d’air frais dans le paysage du jeu vidéo. Parce que les joueurs en avaient un peu marre d’avoir des gigas productions avec des millions et des millions de budgets, des jeux qui durent 80 heures, qui sont interminables et qui ne sont pas si intéressants que ça. Alors que là, Expédition 33 dure, si on ne fait que l’histoire principale, une trentaine d’heures. C’est raisonnable pour un projet de jeu solo. Et tout est frais : la direction artistique, la musique, le gameplay ! On est aussi arrivé au bon moment niveau calendrier, d’autant plus que GTA VI a été repoussé. Donc ça a fait de la place, mine de rien ! C’est un alignement des étoiles de fou !

On remarque aussi une sorte d’ode à la France, avec les prénoms bien français, la bande-son… Ce qui plaît aussi beaucoup aux joueurs.

Carrément ! Au tout début du jeu, on se trouve dans la ville de Lumière, qui est un Paris un peu dystopique, avec un Arc de Triomphe cassé en deux, les bâtiments haussmanniens… Et surtout, pour la promotion du jeu, les créateurs ont eu la bonne idée de faire un trailer de lancement, en mode « baguette édition », où ils avaient habillé tous les personnages avec des bérets, des marinières, des baguettes et des petits foulards. Et ces équipements-là, ils sont déblocables dans le jeu ! Ça insiste sur : « On est français, on est fiers ». Et en même temps, c’est aussi le cliché, donc c’est de l’autodérision ! Puis, quand on a enregistré les dialogues avec les acteurs anglais – des acteurs de dingue comme Andy Serkis qui fait Gollum et Charlie Cox qui fait Daredevil – il y avait des phrases qui sont restées en français, comme « Bonjour, mon ami » ou même « putain de merde » (rires). On a fait le truc à 100 %. Je trouve que c’est trop cool.

On a développé un jeu auquel on voulait jouer, qui nous faisait kiffer.
Alexandre De Mester, Sound Designer

Vous étiez seulement une trentaine à avoir travaillé sur ce jeu, comparé à d’autres studios qui comptent, eux, des centaines de personnes. Votre équipe est donc sacrément talentueuse ?

Quand Guillaume Broche, le directeur, a constitué l’équipe, il a trouvé des gens exceptionnels qui ont un talent monstre. Et des fois, il les a trouvés sur Internet, en postant un message sur Reddit ou sur Soundcloud. C’est là qu’il a trouvé le compositeur Lorien Testard, celui qui fait toutes les musiques du jeu ! On est vraiment une équipe hyper talentueuse, hyper passionnée aussi. Et je pense que c’est ça qui fait la différence. On a développé un jeu auquel on voulait jouer, qui nous faisait kiffer. Et pendant la production, dès qu’il y avait une idée qui apportait quelque chose, ça partait. A contrario, dans des boîtes plus importantes, avec une hiérarchie donc plus importante, ça peut prendre plus de temps de faire valider des idées. Ça peut freiner un peu la créativité.

J’imagine que vous devez être très fier d’avoir participé à ce projet ?

C’est une énorme fierté ! Et puis, surtout, la partie sonore est aussi beaucoup plébiscitée par la presse ou même par les joueurs directement. Donc, je suis content d’avoir participé à ce projet !

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