Aurores boréales : peut-être l’un des derniers soirs d’observation dans le Nord-Pas-de-Calais « avant au moins plusieurs années »

La nuit dernière, du mardi 11 au mercredi 12 novembre 2025, des aurores boréales ont été aperçues dans le ciel de notre région, mais aussi en France et en Europe. Ce phénomène a été causé par des éruptions solaires, dont la plus puissante doit avoir lieu aujourd’hui.
Julien Looten, originaire d’Arras et habitant aujourd’hui à Lille, est archéologue et astrophotographe. Il avait déjà fait sensation, en 2022, pour ses photographies du lever de la pleine Lune sur le Mont-Saint-Éloi. Mais il a surtout été repéré en 2023, avec sa photographie de « l’Air Glow », au château de Losse en Dordogne. Il a notamment été relayé par la NASA et a fini parmi les 25 meilleurs photographes de la Voie lactée au monde en 2024. En 2024 toujours, il a été élu photographe d’aurores boréales pour une photo du ciel à Étretat. Il nous explique aujourd’hui ce phénomène et comment l’apercevoir.
Comment expliquez-vous l’apparition d’aurores boréales hier soir ?
Il faut d’abord expliquer que ce sont des phénomènes qui sont assez rares, quand même, mais tout à fait normaux. C’est un phénomène qui est cyclique. Tous les dix ans, on a un pic d’activité solaire qui provoque des éruptions plus fortes. Et quand il y a ces éruptions, il y a beaucoup de particules qui sont dégagées dans l’espace, et potentiellement capables de venir sur la Terre et de créer des aurores boréales (dues au choc entre les particules émises par le Soleil et l’atmosphère terrestre, NLDR). Et ce mardi 11 novembre, trois éruptions majeures se sont produites, de classe X, donc de très forte intensité (les éruptions solaires sont classées A, B, C, M ou X en fonction de leur puissance, NDLR). Il y en a eu deux assez resserrées, de classe X1 (le chiffre qui suit la lettre, de 1 à 9, indique l’intensité, NDLR), qui ont fusionné et qui sont arrivées en même temps. Ce sont quasiment les plus fortes depuis 30 ans. Je me suis donc levé dans la nuit et je suis partie à côté de chez moi, dans le marais de Fretin. Et même s’il y avait les pires conditions avec plein de nuages et la pollution lumineuse vers Lille, j’ai laissé tourner l’appareil photo jusqu’à 5 h pour réussir à capter des aurores boréales quand il y avait des trouées de nuages (voir la photo principale).
En verra-t-on cette nuit ?
Les aurores boréales d’hier étaient fortes, mais ce n’est pas non plus un phénomène similaire à celui d’octobre ou de mai 2024 qui étaient historiques. Mais cette nuit (entre ce mercredi 12 et jeudi 13 novembre, NDLR), la troisième éruption solaire arrivera potentiellement ce soir ou demain matin et elle sera encore plus forte. Elle est classée X5, donc c’est vraiment énorme ! Le problème, c’est qu’elle était un petit peu décalée par rapport à la Terre, donc on va la prendre un peu sur le côté et il y aura moins de particules qui seront capables de former des aurores. Mais le vent solaire est plus fort, plus intense, donc peut-être que ça va se compenser et qu’on va avoir des choses intéressantes !
Peut-on observer les aurores boréales à l’œil nu ?
Oui, hier, on les voyait à l’œil nu. Alors bien sûr, il faut de bonnes conditions d’observation, comme s’éloigner de la pollution lumineuse car la lumière masque tout, et regarder l’horizon nord. Il ne faut pas hésiter non plus, si vous n’avez pas d’appareil, de faire des photos avec votre téléphone sur lequel on voit souvent un peu mieux qu’à l’œil nu. Ça permet de cibler et de se concentrer avec l’œil sur une zone particulière. Mais le problème, c’est qu’il y a un voile nuageux qui ne va pas bouger jusqu’à demain… Après, il y a toujours une incertitude aussi. Il peut très bien se passer que la CME (éjections de masse coronale, NDLR) arrive dans une heure et que tout se passe quand il fait jour, et qu’on n’aura plus rien ce soir. Ou à l’inverse, qu’elle ait du retard et qu’elle arrive demain matin quand il commence à faire jour.
On a l’impression que les aurores boréales s’intensifient par chez nous, vrai ou faux ?
En fait, maintenant, on les voit parce qu’on a des appareils photos qui permettent de tout capturer, et surtout parce que les scientifiques sont capables de les prévoir. Avant, il fallait avoir de la chance pour bien sortir au bon moment et faire une photo avec des appareils de mauvaise qualité. Et vu que c’est un phénomène qui se produit tous les 10 ans, le pic d’il y a 10 ans n’était pas fort, donc on a eu très peu de choses. Le pic, par contre, d’il y a 20 ans, en 2003, était vraiment fort ! Mais c’est lors de l’événement de Carrington, la tempête solaire de 1859, que des aurores boréales ont été vues sur une bonne partie du globe ! Heureusement que l’on n’a pas ça aujourd’hui, car tous les satellites seraient hors service sinon ! En 1859, c’est même le champ magnétique de la Terre qui a été bouleversé tellement c’était fort.
Aujourd’hui, nous sommes donc à la fin du cycle de ce pic d’activité solaire ?
Oui, c’est pour ça que l’on est peut-être sur une dernière soirée de ce cycle. Le pic a eu lieu en 2024, avec vraiment deux soirs extraordinaires. Il ne faudrait donc pas avoir de regrets ce soir parce qu’après, potentiellement, les chances sont vraiment réduites de revoir quelque chose avant au moins plusieurs années ! Ou alors, il faudra aller vers des latitudes beaucoup plus hautes.
Mais pourquoi voit-on des aurores boréales vertes et d’autres roses ?
Les aurores boréales sont une réaction chimique dans l’atmosphère. Et là où se crée la réaction chimique, la couleur est différente par rapport à l’altitude. Les parties roses/rouges des aurores sont les parties les plus hautes, et les vertes, les plus basses. Donc en fait, quand on va en Laponie ou en Islande, on est sous l’aurore, donc on ne voit quasiment que les parties vertes, qui sont les plus dynamiques, qui bougent vraiment très vite. Et nous, vu qu’on est loin, on a tendance à avoir un peu de recul, et on voit les parties hautes. En mai et en octobre 2024, on distinguait un peu le vert, ça voulait dire que nous n’étions pas loin d’être sous les aurores. Et pour nos latitudes, c’est exceptionnel !
Vous photographiez le ciel depuis un moment déjà. Êtes-vous toujours impressionné par ce phénomène ?
Alors, il y a peut-être moins d’excitation que le premier jour, mais ça reste exceptionnel. Moi, hier, j’étais quasiment en plein centre de Lille et je me dis que j’ai vu des aurores boréales ! C’est un peu lunaire ! C’est quand même chouette de traquer tout ça, c’est excitant, c’est stimulant de se dire, ok, ça va arriver là maintenant. Bon, après, il y a forcément souvent des déceptions, mais c’est vraiment chouette. Mais la première fois que j’ai vu ça, c’était à côté d’Arras et je criais comme un débile dans les champs (rires). C’était dingue… Puis, c’est un peu un rêve de tout le monde de voir des aurores boréales. Et quand on est photographe, on se dit un jour, c’est sûr, je vais aller les voir !










