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Pourquoi mon village a un drôle de nom ?

Dans le Boulonnais, les noms de certains villages peuvent paraître incompréhensibles voire imprononçables aux yeux de beaucoup de gens. Jacques Mahieu, historien autodidacte et passionné de généalogie nous a expliqué l’étymologie de ces toponymes qui sonnent bizarrement à nos oreilles.

Temps de lecture: 4 min

Quand on se promène dans le Boulonnais, on est frappé par l’originalité des noms des lieux. Par leur ressemblance parfois troublante d’un secteur géographique à un autre, quand les «hen» anglo-saxon du littoral (Audinghen, Bazinghen) croisent les «hem» flamand-picards (Hermelighem, Balinghem) de l’intérieur des terres (au sud d’un axe Boulogne – Saint-Omer). Par leur dissonance aussi, quand une terminaison en «thun» (Terlincthun, Baincthun) vient s’interposer sans raison apparente.

jacques mahieu

Jacques Mahieu nous a expliqué tout cela au cours d’une visioconférence organisée par l’association Opale Synergie. Ce n’est pas forcément évident à suivre mais voici ce qu’on a compris.

Trois langues se superposent

Dans la composition du langage pratiqué jadis dans les Hauts-de-France, trois influences se font sentir. Quand les romains (arrivés avant l’ère chrétienne) ont quitté la région aux alentours du VIIe siècle, les Anglo-saxons (peuples d’origine germanique) ont colonisé les terres en repoussant les Celtes au Sud-Ouest. C’est ainsi que les terminaisons en «ham» ont fait leur apparition.

À l’origine, le suffixe «ham» signifiait un enclos, le «ing» signifiait l’appartenance (de. de la famille de.) et le préfixe était le nom de famille. Les aléas de la prononciation ont transformé le «ham» en «hen», ce qui donnait par exemple : Baz ing hen (Bazinghen).

C’est aussi à cette époque que le suffixe «thun» a fait son apparition. On notera que le «thun» (jardin) qui est une variation du «hen», n’existe que dans le Boulonnais. Et puis, il y a des appellations comme Wissant (huit cents) ou Wimille (huit miles) lieux, (des distances donc) qui sont aussi restées. D’autres noms sont des transpositions pures et simples du vocabulaire anglais : Escalles c’est scale (une échelle) ; Étaples, c’est stables (écuries), etc.

L’empreinte des Flamands

Au IXe siècle la région a été colonisée par les Flamands qui sont restés jusqu’à la Guerre de Cent ans (1337-1453). Leur langue natale, le Néerlandais, a apporté une consonance différente, plus gutturale. De nouvelles appellations sont apparues : Hardelot (jusqu’alors Hardley en vieil anglais), Bréquerecque, Capécure (Stradcure, un rivage en flamand), Ostrohove (Hove, une ferme en flamand).

Entre le vieil anglais et le flamand il y a des similitudes mais la prononciation du flamand aura laissé une empreinte plus profonde sur notre territoire.

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La Guerre de Cent ans a chassé les Flamands et on a vu arriver la langue Picarde qui était l’influence principale de la langue pratiquée dans le royaume des Francs. En 1478, Louis XI, roi de France, annexe les Pays-Bas Bourguignons, dont les Hauts-de-France faisaient partie. Le français doit être la langue à adopter. En 1532, l’édit de Villers-Cotterêt de François 1er (connu pour être l’acte fondateur de la primauté et de l’exclusivité du français dans les documents relatifs à la vie publique du royaume de France), va bloquer progressivement l’évolution des noms des villages.

Le cadastre Napoléonien va figer les noms mais quelques erreurs vont encore se glisser dans les copies.

150 noms de villages en commun avec le Kent

Clairement, l’influence saxonne et l’appartenance à une même communauté humaine de part et d’autre de la Manche ont créé des similitudes dans les appellations données à des villages se situant soit en France soit en Angleterre. Ainsi Bouquinghen (hameau de Marquise) trouve son écho en Buckingam, Sangatte ex San(d)gate (Sandgate, Kent), Sehen (Seaham, Durham), etc. vous trouverez les autres comparaisons dans le livre de Jacques Mahieu.

Au 19e siècle, c’est le retour des Anglais

Boulogne avait été annexée par les Anglais, de 1544 à 1550. Henri II a racheté la ville en 1550. Entre-temps, les noms de famille Anglais avaient commencé à se propager. Au XIXe siècle, c’était l’entente cordiale et 10 % de la population du Boulonnais était d’origine britannique. Tout cela a pris fin avec les Guerres Mondiales.

On dit Ouimereux pas Vimereux

C’est une question qui revient souvent mais là aussi la réponse est claire et s’explique par nos origines : « le W ne vient pas de la langue française, annonce Jacques Mahieu. Pourtant dans le boulonnais, le W est roi ! » On sait maintenant pourquoi.   Dans le même registre, on ne prononce pas les Z qui terminent les noms de famille : « de la même manière qu’on ne dit pas «reze» de chaussée, souligne notre spécialiste. La terminaison en Z est une fantaisie de scribe ! »

Quand Bononia devient Boulongne

Bononia c’est l’ancien nom romain de Boulogne. Bon (forteresse) Onia (eau) forteresse sur l’eau. Les Anglais disaient Bonom et le nom s’est transformé en Boulongne jusqu’à la fin du XVIIe siècle, où le ongne s’est transformé, par erreur sûrement, en ogne.

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