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Rencontre avec Kenjy Poure, auteur, comédien et professeur de langue régionale à l’Université du Littoral à Boulogne-sur-Mer

Depuis le mois de septembre, Kenjy Poure donne des cours de patois Boulonnais à l’universite du Littoral. Un cours qui a trouvé ses adeptes puisqu’une vingtaine d’élèves sont déjà venus grossir les rangs, et ça ne fait que commencer.
Journaliste
Temps de lecture: 4 min

Né dans le milieu artistique boulonnais, Kenjy Poure est un auteur de romans et de pièces de théâtre. C’est aussi un comédien accompli, aussi à l’aise dans la tragédie que dans la comédie.

En 2022, il a intégré la troupe patoisante Sylvie and Coq (s), puis la troupe de la Revue patoisante Boulonnaise en 2023. Kenjy évolue dans un cercle composé d’artistes et d’associations tous très investis dans la défense du patois régional et local, d’autant plus que cette langue a été déclarée en voie de disparition dans le patrimoine culturel immatériel classé par l’UNESCO.

Ces personnes se mobilisent au quotidien pour faire connaître le patois aux nouvelles générations, et le faire perdurer à travers les disciplines artistiques notamment. C’est dans ce cadre qu’a été créé cette année un cours de langue patoisante à l’ULCO (Université du Littoral) à Boulogne-sur-Mer.

Depuis le mois de septembre, Kenjy Poure anime ce cours de langue régionale. Un cours qui a trouvé son public puisqu’il est désormais suivi par une vingtaine d’étudiants. Tendances and Co a rencontré cet ardent défenseur du patois boulonnais.

Vous êtes comédien, auteur et maintenant professeur de langue régionale. Vous êtes ce qu’on peut appeler un artiste pluridisciplinaire ?

C’est vrai que je suis quelqu’un qui aime bien les nouvelles expériences. Avec mes parents qui étaient artistes, j’ai vécu et j’ai eu beaucoup d’occasions de rencontrer des gens qui étaient des multi-artistes. Du coup, j’ai eu l’habitude d’évoluer parmi tous ces gens aux multiples casquettes et c’est devenu un peu naturel pour moi de le faire aussi. Être artiste, c’est pour moi le moyen de m’exprimer, par le biais de l’écriture ou par le jeu d’acteur.

Sylvie Danger, Christian Meurdesoif et Kenjy Poure dans la troupe Sylvie and Coq(s)
Sylvie Danger, Christian Meurdesoif et Kenjy Poure dans la troupe Sylvie and Coq(s) - NLHebdos

Intégrer la Revue Patoisante Boulonnaise, c’est un rêve qui se concrétise ?

Tout à fait ! C’est vrai que lorsqu’on est comédien patoisant, pouvoir faire la Revue Boulonnaise, c’est vraiment une consécration. Et aujourd’hui, si j’en suis là où j’en suis par rapport aux cours de langue et à mon évolution dans le patoisant, c’est vraiment grâce à la Revue Boulonnaise. Et aussi grâce à Sylvie and Coq(s). Parce qu’avant d’entrer dans la Revue, j’ai d’abord intégré la troupe patoisante Sylvie and Coq(s) et pour moi, ça a été vraiment un tremplin.

La Revue, c’est une belle vitrine pour le patois Boulonnais ?

Tout à fait ! Heureusement qu’on a la Revue Boulonnaise. Et il n’y a pas qu’eux ! Derrière, on trouve aussi toutes sortes d’associations. Je pense notamment aux Soleils Boulonnais, aux Z’éfants d’Étaples, etc. Et à toutes les personnes comme Stéphane Thiriat, Jean-Pierre Ramet, Marie-Claude Bontemps qui, depuis des années, travaillent pour la préservation de notre patrimoine, de notre culture, de notre langue.

C’est grâce à eux si on peut donner des cours de langue régionale aujourd’hui, parce qu’on a leurs supports, on a leur soutien. En fait, c’est tout un ensemble qui, aujourd’hui, grâce à la Société Académique du Boulonnais (SAB), arrive à s’articuler et à se regrouper. Et voilà ! Nous sommes une équipe d’acteurs qui travaille dans le même sens pour justement la sauvegarde de notre langue, de notre culture et de notre patrimoine.

Kenjy Poure à L’ULCO
Kenjy Poure à L’ULCO - @Groupe Nord Littoral

Comment vous êtes vous retrouvé à donner des cours de patois à l’ULCO ?

Ça a été un petit peu le fait du hasard. À la base, c’est Sylvie Danger (co-auteure de la Revue patoisante boulonnaise, NDLR) qui devait donner les cours à l’ULCO, mais étant donné que Sylvie est intermittente du spectacle, son statut ne lui permettait pas d’être vacataire à l’ULCO. Lors d’une réunion du réseau où on était autour de la table avec la SAB, d’autres acteurs, et aussi M. Raphaël Willet, qui représentait l’ULCO, la personne qui avait le statut qui permettait de pouvoir donner des cours en fait, c’était moi. Moi parce que je suis acteur patoisant et que j’avais déjà donné des cours il y a de ça quelques années à l’ULCO à Calais, en communication. Aujourd’hui, je suis le moyen de transmettre ce que tous les autres ont mis en place et je fais le relais avec les étudiants.

Que répondez-vous à ceux qui ne veulent pas pratiquer le patois ?

Alors… On entend souvent que le patois, c’est une langue qu’il faut laisser mourir parce que ce n’est pas une langue qui est belle ! Les gens trouvent même que ce n’est pas une langue légitime. Ils disent : « On ne va pas demander aux enfants de parler le patois alors qu’ils ne savent déjà pas parler le Français ! » Oui, mais on leur demande bien de parler anglais ou de parler espagnol… En fait, c’est une histoire de contexte ! Je veux dire par exemple qu’une personne qui prend des cours d’anglais, ne va pas pour autant aller faire ses courses en parlant anglais. Non, elle va parler Français ! Et bien le patois, c’est la même chose. C’est juste un cours de langue et c’est une langue comme une autre. Je reprends ici une phrase tirée du livre de Jean-Pierre Dickès (ex-président de la SAB et auteur de livre sur le patois boulonnais, décédé en 2020, NDLR) et souvent citée. Elle dit que le Français, c’est juste un patois qui a réussi ! Parce qu’il faut savoir que notre langue nationale est issue d’un patois. Eh oui, notre patois Picard a failli être la langue officielle de notre pays ! Bon, l’histoire en a voulu autrement ! Mais voilà, il faut remettre aussi dans le contexte que la langue qu’on parle aujourd’hui est issue d’un patois.

Plutôt enseignant ou comédien finalement ?

Disons que le fait d’être comédien, le fait de faire du spectacle, ça m’aide dans l’appréhension des cours avec les élèves. Ça m’aide aussi à apporter de la bonhomie dans mes cours, de la bonne humeur. Les textes de la Revue notamment, me servent de support.  Alors, enseignant, non ! Je dirais plutôt que je suis un relayeur, en fait. C’est ça, je passe le baton. J’aide les personnes à transmettre. Et c’est le but de ces cours, en fait !

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