Marcel et son orchestre au Main Square Festival d’Arras : « L’orchestre, il est sur scène, et Marcel, c’est le public. »


On ne vous les présente plus. Le légendaire groupe originaire du Boulonnais, Marcel et son orchestre, était programmé sur la scène principale du Main Square Festival d’Arras, ce dimanche 6 juillet. Et comme toujours, ils ont fait le show avec leur humour décalé et avec un public plus que réceptif ! Retour sur cette expérience.
On vous a vu en 2022 sur la Green Room. Aujourd’hui, vous êtes sur la scène principale, la Main Stage, ça fait quoi ?
C’est grand (rires) ! C’est toujours compliqué parce que tu es sur la scène qui fait 60 mètres, mais le public, tu veux l’envelopper, le chercher et donc sur le moment, tu ne t’économises pas, tu fais juste attention à tenir le souffle pour ne pas arriver épuisé au moment de chanter. Et puis tu sors de scène, et t’en as plein les jambes. C’était intense, en fait ! Et, à la base, notre show fait au moins 1 h 45 et là, pour tous les festivals, tu dois compacter l’histoire, resserrer, en une heure, mais c’est un exercice qu’on aime bien. Il faut réussir à envelopper tout le monde, à garder ton esprit et pas juste faire un tour de chants. Il faut que ça reste un show ! Et nous, on a plutôt une culture punk avec peu d’artifices et tu dois un peu redoubler d’énergies pour compenser la déficience de visuel !
Qu’est-ce qui vous réunit encore toutes ces années ? C’est l’envie d’être ensemble, de foutre le bordel sur la scène ou autre chose ?
On sait d’où on vient et nous ne sommes pas un groupe avec un plan de carrière où l’on s’est fixé des objectifs à N+1, N+2, il faut qu’on en soit là, il faut qu’on fasse ceci… À tel point qu’on démarre en 1988 ; en 1991, on représente la région au printemps de Bourges ; en 1997, on a déjà fait plein de festivals ; en 1996, on a déjà fait Les Vieilles Charrues, en 1997, on fait les Eurockéennes de Belfort… Si on avait fixé des objectifs, peut-être qu’on aurait généré de la frustration, des déceptions… Nous, on a pris tout ça comme une énorme partie de plaisir et ce n’est pas grave si ça s’arrête.
Votre nouvel album a-t-il été bien apprécié par vos fans ?
Oui carrément ! Après, c’est compliqué parce que la vente de disques s’est un peu effondrée. Aujourd’hui, ce n’est pas le nombre de disques qui va te dire si ça marche ou pas ; par contre, c’est le retour du public, les réseaux sociaux. Et la maison de disques est très très contente ! Ils sont enchantés des ventes, enchantés du retour, les précommandes étaient énormes, on ne s’y attendait absolument pas et le public s’est retrouvé. Déjà nous, on s’est retrouvé. Ça faisait au moins 12 ans qu’on n’avait pas fait un album. C’était un peu un challenge, ce n’était pas gagné d’avance, on ne savait pas du tout si ça allait sonner encore comme Marcel il y a 12 ans, si ça allait nous ressembler. Et puis, visiblement, c’est une bonne surprise. Et quand on a composé, ça n’a pas été difficile, on ne s’est pas arraché les cheveux, on avançait sur une piste, et puis on voyait la gueule des copains. On disait : « Cette direction-là, ça n’a pas l’air d’être la bonne, ça ne fait pas marrer les copains. » Donc, il y avait un consensus, mais un consensus efficace, et on a trouvé des parades, des styles musicaux sur lesquels on était vraiment à l’aise, des délires sur lesquels on se retrouvait.
Quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur ?
Marcel, c’est la grande aventure de monsieur et madame nous tous, avec les difficultés qu’on a pour garder la tête hors de l’eau, comment tu fais dans ce marasme ambiant, dans ce quotidien, avec les embrouilles qu’on a tous, entre ceux qui ne savent pas combien il va leur manquer de trimestres, comment ils vont payer le loyer… Tu te dis : « Comment tu abordes ces sujets tout en mettant du baume au cœur, sans être plombant ? » Et on s’est dit qu’on n’allait pas faire de manifestations, donc, on fait des chansons et, dedans, on met des positions, des coups de gueule. Mais on essaie de trouver la parade, la petite pirouette qui va quand même faire rigoler. Nos professeurs d’irrévérence, c’étaient d’abord des clowns, puis Fluide Glacial, Charlie Hebdo, les Chaplin, Monty Python, les Marx Brothers… On s’est nourris de tous ces gens qui, sous une forme un peu déconnante, foutraque, envoyaient des beaux messages à l’humanité.
On passe dans les questions un peu moins sérieuses : comment on devient un Marcel ?
(Rires) ! On ne s’est jamais vraiment posé la question ! C’est une réunion, une bonne bande de copains au départ. C’est se retrouver dans la déconne, dans l’envie de se marrer un bon coup. C’est aussi pour ça que le public se retrouve en nous. Ce n’est surtout pas se prendre au sérieux.
Et entre nous, on ne se voit pas tant que ça en dehors, parce qu’on se voit déjà beaucoup avec les Marcel et qu’on a tous des vies très différentes. On dit aussi que l’on n’est pas amis, on dit que l’on est frères. Ça ne veut pas dire que c’est plus fort. Ça veut dire qu’il y a quelque chose entre nous qui n’est pas déchirable. On se permet de pouvoir s’engueuler comme du poisson pourri, parce qu’on sait que, de toute façon, on va encore être ultra copains !
Si on devait faire étudier un de vos morceaux au bac français, ce serait lequel ?
Mouloud (Franck Vandecasteele) : Alors, il y a plein de possibilités. C’est-à-dire qu’est-ce qu’on cherche ? Des allitérations ? Des formules littéraires ? Alors, moi, je me suis amusé à ça. La chanson « Cerf-volant », ça pourrait être intéressant, par exemple, parce qu’on a des rimes mordues comme « Un poisson rouge écarlate, craché le tigre rugissant, à deux pas d’un vieil allemand, sirotant un jus de to-Matteo faisait voler, un requin couvert de tatouages, dans un ciel maculé de méduses et de coquill-agité par un coup de vent, le chapeau de Maribelle… » Donc, ça, c’est un exercice qui m’a éclaté.
Bouli (Pascal Le Bon) : Après, moi, j’ai une anecdote. Quand je suis rentré chez les Marcel, j’étais au conservatoire et ils m’ont dit : « Ah, t’es au conservatoire, tu vas déposer les morceaux à la Sacem. » Alors, j’ai déposé d’abord les premiers morceaux et puis, j’ai déposé « Maman ». Donc, en texte, j’avais écrit « Maman Ad lib » (à volonté, NDLR). Et ils m’ont rappelé en disant « Non, ça ne va pas, il n’y a pas le texte. » En fait, le texte, c’était « Maman, Maman, Maman… » Alors, j’ai écrit 50 fois « Maman » sur une page (rires). Et puis, je leur ai envoyé et ils ont compris (rires).
Finissez cette phrase : « Marcel, sans son orchestre, c’est comme… ? »
Marcel, sans son orchestre, c’est comme un groupe sans public. C’est ce qu’on disait : « L’orchestre, il est sur scène, et Marcel, c’est le public. »