Calais : elle transforme la vaisselle de nos mamies en sublimes bijoux pour faire perdurer la transmission

La transmission. C’est ce que souhaite apporter Lynda, Calaisienne de naissance, avec ses créations sublimes.

Tout commence en 2010, après la découverte de sa maladie, une fibromyalgie sévère. Elle sait, à ce moment-là, qu’elle ne pourra pas travailler dans cette grande étude d’huissiers comme chargée de recouvrement judiciaire toute sa vie. Un mal pour un bien, puisque depuis toute petite, Lynda ne rêve que d’une chose : créer. « J’ai toujours créé. Même petite, quand j’avais des projets artistiques, ça devenait un truc de fou. Ça partait dans tous les sens. J’arrivais avec des maquettes. J’ai toujours eu la folie des grandeurs au niveau des créations et beaucoup dans le recyclage aussi. Comme on n’avait pas beaucoup de moyens à l’époque, j’utilisais tout ce que je trouvais pour pouvoir créer », relate-t-elle.

Elle s’essaie à la peinture, sans grand succès, puis devient mosaïste autodidacte, avant de s’engager dans une formation pour décrocher les diplômes de carreleur, mosaïste et chapiste. Broken Art Mosaïc est ainsi né.

Mais son idée évolue et passe de la mosaïque à… des bijoux ! Mais pas n’importe lesquels : transformer la vaisselle ancienne, héritée de nos parents et grands-parents, pour en faire des colliers, des bracelets, des breloques ou encore des boucles d’oreilles. Une autre façon de transmettre, une autre manière de garder son héritage de façon plus moderne et de les garder « près du cœur ».

Cette idée lui est venue un peu par hasard. Alors qu’un ami lui laissait libre cours à son imagination en créant un arbre en faïence sur un blockhaus, elle a souhaité faire participer les Calaisiens qui lui ramenaient d’anciens carreaux, mais surtout beaucoup de vaisselle. « Les gens me disaient : “On manque de place. On a hérité ça de notre grand-mère et ça prend la poussière” ou “Quand je mourrai, mes enfants les jetteront, donc autant que ça serve”. Mais je voyais que pour certaines personnes, ça leur faisait un peu mal au cœur. Du coup, j’ai commencé à découper des cœurs pour leur donner en souvenir. »

Elle s’est aussi inspirée de ce qui se fait au Japon : « Il y a beaucoup de séismes et de naufrages de bateaux au Japon. Une association récupère des morceaux de céramique sur les plages et crée des bijoux avec. L’argent va aux orphelins. »

C’est donc un hommage à ceux qui nous ont transmis bien plus que des objets que fait Lynda, à l’aide d’une pince pour mosaïque, d’une meuleuse et d’un pendentif venu tout droit d’Occitanie, créé par une artisane qui détient sa fonderie artisanale. Pour la vaisselle très vieille et abîmée, Lynda ajoute de la résine pour que le bijou reste dans le temps.

Transmettre l’héritage d’une autre manière

Ainsi, l’artiste crée des collections au gré de ses trouvailles à la ressourcerie, à Emmaüs ou grâce aux dons et le bouche-à-oreille. « Par exemple, j’avais une assiette noire et blanche, en faïence de Chine, et elle me faisait penser aux notes de musique. Donc, je l’ai appelée Sonate et j’ai créé tout un univers avec des bijoux. »

Mais ce qu’elle préfère, c’est la transformation de vaisselle familiale. Comment ça marche ? Vous lui envoyez assiette, sous-tasse, mug, plat, vase, objet décoratif qui vous tiennent à cœur, vous choisissez votre modèle et Lynda les transformera en bijou en or, plaqué or ou en acier inoxydable pour que tous traversent le temps. « Si vous avez le service de votre grand-mère et que vous avez cassé une assiette, moi, je peux la transformer. Donc, c’est un accident, mais ça revient quand même à devenir un bijou. Et avec une seule assiette, je peux faire 10 pendentifs. J’accepte tous les défis ! » Rien n’est donc jamais perdu !

Des histoires touchantes

Et si Lynda aime autant ce qu’elle fait, c’est qu’il y a toute une histoire derrière ces objets. « Par exemple, une dame m’avait envoyé un service de ses arrière-grands-parents qu’ils ont eu à leur mariage et elle m’a commandé 15 colliers. Elle les a reçus, mais malheureusement elle est décédée d’une crise cardiaque… Elle a été enterrée avec le pendentif et ses filles m’ont contactée pour refaire des bijoux car l’une venait d’avoir un bébé. »

Ce genre d’histoires, Lynda les partage sur sa page Instagram. On peut notamment y lire une belle histoire où une cliente témoigne : « « On n’avait pas le droit d’y toucher. Juste regarder, de loin. C’était le trésor de ma grand-mère. Elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Et pour cause : c’est son père, mon arrière-grand-père, qui l’avait ramenée d’Indochine, soigneusement emballée dans une caisse en bois. » Cette vaisselle n’était pas qu’un service en porcelaine. C’était une mémoire familiale. Un lien direct entre les générations. Un bout d’histoire, traversant les guerres et les montagnes, d’Indochine à la Haute Maurienne. Quand Maryline m’a confié ces pièces, je savais que je n’allais pas simplement créer des bijoux. Je participais à un hommage. À sa grand-mère, qui avait su préserver ce trésor avec tant d’amour. À son arrière-grand-père, dont les pas dans l’Histoire résonnent encore aujourd’hui. De cette porcelaine chargée de souvenirs sont nés un collier, une broche, un bracelet et des boucles d’oreilles… Mais au fond, ce que j’ai façonné, c’est un récit à porter. Un geste de mémoire. Une façon de dire : je ne vous oublie pas. »

Ou l’histoire des parures pour un mariage créées avec une assiette d’une maman disparue… De cette manière, Lynda se sent utile. « J’ai toujours voulu aider les gens », confie-t-elle. Et c’est réussi !