À Liévin, les Souffleurs commandos poétiques immortalisent les habitants avant la « Grande Tornade » de la Sainte-Barbe

Nous sommes venus en 2023, dans l’église Saint-Amé de Liévin, lors du festival de la Sainte-Barbe et on avait présenté notre spectacle « La confidence des oiseaux de passage ». Les gens ont adoré parce qu’on chuchotait de la poésie dans les oreilles. Les gens disaient, « Mais donc, c’est quoi ce que tu fais, là ? » (rires). Et à la fin du spectacle, ils parlent, ils entendent la poésie, ils pleurent… On s’était dit que les gens d’ici étaient géniaux ! Et donc, quand Tino Cioffi (l’un des programmateurs du Festival de la Sainte-Barbe, NDLR) nous a dit qu’il aimerait bien nous revoir, nous les souffleurs, on a accepté et on a écrit Grande Tornade.

Le projet s’intitule « Grande Tornade - Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? » parce qu’il y a d’abord les gueules noires, il y a Johnny Hallyday et il y avait le Johnny de Liévin, son sosie, qui est connu partout ici ! Donc il fallait absolument appeler ce projet comme ça. Et donc, on vient prendre en photo tous les gens de Liévin, qui y habitent, qui y travaillent ou qui aiment la ville. Nous avons déjà plus d’un millier de portraits. Je pense que l’on aura environ 1 400 portraits pour la Sainte-Barbe. Ensuite, on va imprimer les photos sur du papier très fin, on va amener un immense ventilateur de cinéma dans l’église Saint-Amé et on va faire tourner la tornade. Il y a environ 200 000 photos qui tourneront, parce qu’on tire chaque portrait à plusieurs exemplaires. Le tout mélangé avec des textes de poésie. Et donc les gens rentrent dans cette tornade pour essayer de se retrouver eux-mêmes, puisque leurs portraits volent. C’est le hasard du vent et c’est toute la métaphore de notre tornade : c’est le hasard de la vie !

Non, quand les gens sortiront de la tornade, ils se rendront dans les bâtiments juste à côté de l’église où il y aura l’exposition des cartes postales. Parce que de chaque portrait, nous tirons 3 cartes postales. Il faudra donc qu’ils se repèrent parmi tous les portraits – certains reconnaîtront le maire, leur voisin, leurs amis – et nous leur offrirons deux cartes postales. Puis les gens, s’ils le souhaitent, nous offriront à leur tour une des cartes et on leur proposera d’écrire, derrière, leur légende. Ils peuvent écrire ce qu’ils veulent. Il n’y a pas de comité de censure, ni de lecture. Ils peuvent écrire ce qu’ils pensent du monde, d’eux-mêmes, de leur amour, de leur dépit amoureux. Et par décision du conseil municipal et du maire, ces photos vont rentrer comme trésor des visages des êtres humains, vivants, travaillant et aimant Liévin, en 2025, dans les archives de la République ! Ces portraits pourront servir, dans 200 ou 300 ans, pour un chercheur, un sociologue, un ethnologue, une historienne… Et ces personnes, en cherchant, vont voir nos gueules et ce qu’on dit de nous-mêmes (rires).

Nous, les souffleurs commandos poétiques, on est toujours en train de créer quelque chose qui doit laisser, à un moment ou à un autre, ne serait-ce qu’une seconde, une petite transformation du monde. Pas simplement de l’amusement, du divertissement. En décembre, ce ne sera pas une exposition. Ça mettra les gens au centre du festival. Ils vont être le cœur de ce temps fort de Liévin. Et c’est surtout aussi une histoire d’époque. C’est-à-dire que si on regarde bien notre époque, notamment les jeunes, ils sont un peu isolés, sur leur écran. Là, ils vont être au milieu de la multitude des gens qui essaient de se retrouver eux-mêmes, ils vont se retrouver de nouveau entourés par la communauté dans laquelle ils habitent, dans laquelle ils vivent, dans laquelle ils sont éduqués et avec un support noble qui est le papier.

Nous, on ne transmet rien. Ce sont les gens qui, quand ils rentrent dans la tornade, comprennent qu’ils sont au milieu de leur propre communauté de gens. Et ils sont émerveillés !