À Calais, le plum-pudding, une tradition familiale et féminine

Gisèle, 87 ans, représente la troisième génération. Quand nous l’avons rencontrée elle était en compagnie de Catherine, sa nièce, qui incarne, quant à elle, la 4e génération. En 2004, Gisèle a déclaré à Catherine : « c’est à toi de faire le plum familial désormais ! » Cette dernière a repris le flambeau sans broncher. Parce que ça allait de soi. Parce que le Plum dans la famille Ringot, c’est une histoire de famille mais d’abord une histoire de filles.

De mère en fille

La tradition du pudding de Noël familial a démarré quelques années après la Seconde Guerre Mondiale. Méa, la grand-mère maternelle de Gisèle, s’est mise à fabriquer du pudding à la façon des Anglais, en mettant du pain à tremper avec des raisins secs. Au fil des années, les denrées devenant moins rares, elle y ajoute des fruits confits et d’autres ingrédients dont le rhum Negrita. Ils n’ont jamais changé de marque depuis… Méa a ensuite passé le flambeau à sa fille Lucie qui a suivi la recette élaborée par sa mère, à la lettre. « Le plum, maman le faisait seule, et ça représentait pas mal de boulot. Il faut de la poigne pour mélanger les ingrédients, raconte Gisèle. Petites filles, on avait le droit d’intervenir à la fin, pour malaxer la pâte. Après il fallait le laisser macérer au moins 24h emballé dans un torchon. On savait qu’il était prêt quand les raisins avaient gonflé »

La base de la recette familiale est restée la même depuis, chacun y ajoutant quand même sa petite touche personnelle. Parce que c’est ça le Plum : un savoir-faire commun et un petit peu de soi car, au final, chacun l’aime à sa manière. « Moi, j’ai juste diminué un peu le volume de la farine, dévoile Gisèle, pour qu’il soit un peu moins compact… »

Est arrivé le moment où Gisèle a décidé qu’il était temps de transmettre la recette à son tour. N’ayant que trois fils, elle s’est naturellement tournée vers sa nièce, Catherine. « Drôle d’héritage ! Raconte celle-ci. Je me souviens que j’étais inquiète pour le premier. J’allais être jugée sur la qualité… »

Catherine habite Lille depuis de nombreuses années mais le plum-pudding étant une tradition plutôt ancrée sur le Calaisis et le Boulonnais, elle revient chaque année, au mois de décembre, acheter le kit pudding à Calais. Il comporte tous les ingrédients de base de la recette. Puis elle se lance dans la fabrication de plusieurs plums pour toute la famille : « J’ai ramené la tradition à Lille où je fais des plums avec mes voisines et avec ma fille ! » Avec ses petits ajouts personnels : « J’ai remplacé la graisse de veau par de la margarine. Et j’ai ajouté de la pomme aussi ! » Et c’est parti pour plusieurs heures de cuisson, à la vapeur.

L’incontournable rituel

« À Noël, on peut tout changer mais pas le plum. C’est sacré ! » lance Catherine. À la fin du repas arrive le moment tant attendu de servir et de flamber le plum. Une tradition qui passe bien au-dessus de celle de la bûche de Noël chez les Ringot.

Tous les ans, c’est le même rituel qui est suivi. On creuse un trou au sommet du pudding, on dispose 4 sucres autour du cratère puis on vient l’arroser de rhum. C’est le plus jeune de la famille qui est désigné pour flamber le rhum. Il faut qu’il brûle le plus longtemps possible pour que l’alcool mélangé aux sucres vienne imprégner le gâteau. La cérémonie est accompagnée d’un chant de Noël : Mon beau sapin ou vive le vent, selon l’humeur !

Voilà 20 ans que Catherine prépare le plum, et si le temps de passer la main n’est pas encore venu, la réflexion doit s’engager. Sophie, sa fille est en lice. Virginie, la belle fille de Gisèle n’est pas contre… Dans cette histoire, les garçons de la famille ne mouftent pas. Ils sont bien trop heureux de voir la tradition perdurer, d’une façon ou d’une autre, pour continuer à déguster le plum familial à Noël.